MédecineUne méthode rapide pour connaître la résistance aux antibiotiques
L’EPFL a mis au point un dispositif simple qui permet de savoir en quelques heures seulement si une bactérie va résister ou non à un traitement. Une rapidité qui peut sauver des vies.
- par
- Comm/M.P.
Des scientifiques de l’EPFL et de la Vrije Universiteit Brussel ont mis au point une méthode très efficace pour savoir si des bactéries sont résistantes aux antibiotiques. «Dans nos laboratoires, nous avons mis au point une technique qui permet d’obtenir un antibiogramme en 2 à 4 heures, au lieu des 24 heures actuelles pour les germes les plus courants et d’un mois pour la tuberculose», déclare Sandor Kasas de l’EPFL. Ronnie Willaert, professeur à la Vrije Universiteit Brussel, ajoute: «Notre technique est non seulement plus rapide, mais aussi plus simple et nettement plus économique que toutes celles actuellement disponibles.»
La résistance aux antibiotiques survient lorsque les bactéries développent la capacité de vaincre les médicaments conçus pour les éliminer. Elle est aujourd’hui devenue un enjeu mondial de santé publique. En 2019, au moins 1,27 million de décès dans le monde était imputable à la résistance aux antibiotiques et près de cinq millions de décès avaient un lien avec celle-ci. Chaque année, près de trois millions d’infections résistantes aux antimicrobiens sont recensées aux États-Unis, le coût du traitement des six infections les plus fréquentes s’élevant à plus de 4,6 milliards de dollars. L’Union européenne enregistre près de 700 000 cas par an, ce qui lui coûte environ 1,5 milliard d’euros.
Les antibiogrammes utilisent des méthodes de culture qui exposent les bactéries aux antibiotiques, ou des méthodes génétiques pour déterminer si les bactéries possèdent des gènes qui leur confèrent une résistance. L’antibiogramme standard prend jusqu’à 24 heures, voire davantage pour les bactéries à croissance lente. Ce délai peut être synonyme de vie ou de mort dans un contexte clinique. Ces dernières années, des antibiogrammes plus rapides ont été mis au point, mais ils ont tendance à être complexes et à nécessiter un équipement sophistiqué et coûteux.
Avec un smartphone
Les chercheuses et chercheurs sous la houlette de Sandor Kasas et de Ronnie Willaert ont mis au point cette méthode à la fois rapide, économique et largement accessible. Cette technique nécessite un microscope optique traditionnel de base, une caméra ou un téléphone portable, ainsi qu’un logiciel dédié. Le projet de recherche commun a été publié dans la revue «PNAS».
Appelée détection optique des mouvements à l’échelle nanométrique (ONMD), la nouvelle technique consiste à surveiller les vibrations à l’échelle nanométrique d’une seule bactérie avant et pendant son exposition aux antibiotiques. Les oscillations microscopiques des cellules bactériennes caractérisent les organismes vivants et peuvent être considérées comme un «signe de vie». En effet, ce mouvement dure aussi longtemps que l’organisme est vivant mais s’arrête immédiatement lorsqu’il est mort. Dans la technique ONMD, ce mouvement des bactéries est enregistré dans un film, dans lequel tous les déplacements des cellules individuelles sont surveillés avec une résolution inférieure au pixel.
Applicable à un grand nombre de bactéries
Les chercheuses et chercheurs ont utilisé l’ONMD pour détecter avec succès la sensibilité de nombreuses bactéries aux antibiotiques. La sensibilité de l’E.coli, du staphylocoque doré, de Lactobacillus rhamnosus (une espèce de bactérie lactique) et du Mycobacterium smegmatis (modèle bactérien non pathogène de la tuberculose) aux antibiotiques ampicilline, streptomycine, doxycycline et vancomycine a été déterminée en moins de deux heures.
Non seulement l’ONMD surveille les transitions entre la vie et la mort de la bactérie pendant l’exposition à différents antibiotiques, mais aussi elle met en évidence les changements de métabolisme de la bactérie causés par la disponibilité des nutriments. Les tests ont montré que l’ONMD peut évaluer la sensibilité ou la résistance des cellules bactériennes aux antibiotiques de manière simple et rapide en surveillant les oscillations cellulaires.
«De par sa simplicité et son efficacité, cette méthode marque un tournant dans le domaine des antibiogrammes», disent les auteurs, car elle peut être appliquée à un grand nombre de bactéries, ce qui a des implications importantes pour les applications cliniques et de recherche.