Guerre en UkraineÀ Boutcha, retour difficile à une certaine normalité
Des habitants de la banlieue de Kiev, devenue un symbole de la brutalité des forces russes, ont retrouvé un semblant de vie normale.
Dans une cour à l’arrière d’une grande maison de Boutcha, banlieue de Kiev devenue un symbole de la brutalité des forces russes, Maxime dîne ce soir-là, au calme, avec son épouse et ses voisins.
Il y a environ trois mois, des soldats russes fouillaient sa maison et dormaient dans la chambre d’enfants. La famille était partie à l’époque: Anna, la maman, se trouvait en Roumanie et Maxime avait emmené les deux enfants dans une zone plus sûre de l’Ouest ukrainien, après le début de l’invasion russe, le 24 février.
Aujourd’hui, toute la famille est réunie autour de la table et Maxime, un webdesigner âgé de 36 ans, observe: «Dans cette atmosphère, je me sens comme si rien ne pouvait arriver et que la vie est normale. Mais nous savons qu’il y a une guerre et qu’aucun endroit n’est sûr en Ukraine en ce moment».
Abri de soldats russes
Sa maison, une bâtisse neuve de deux étages, n’a subi que des dommages mineurs durant l’occupation russe. Elle est située en bordure de Boutcha, banlieue au nord-ouest de Kiev, où d’autres familles avec de jeunes enfants venues de la capitale ont choisi de s’installer pour goûter une vie plus tranquille.
«Les soldats russes ont dormi dans notre maison deux ou trois nuits, ont tout mangé dans notre frigo et nous ont laissé ceci», dit-il en montrant un paquet de ration militaire russe.
En février, l’armée russe, qui tentait alors d’encercler Kiev, a pénétré dans Boutcha. Quand les forces en ont repris le contrôle un mois plus tard, des atrocités commises contre des civils ont été mises au jour. Le 2 avril, des journalistes de l’AFP ont découvert dans la rue Iablounska 20 corps de civils abattus.
Dans cette même rue, trois mois plus tard, des enfants se promènent, écouteurs sur les oreilles, des hommes rentrent du travail et d’autres s’activent à réparer les dégâts des combats.
Devant un immeuble, une femme blonde a les yeux fixés sur les cicatrices laissées sur l’édifice par des tirs d’artillerie, puis tourne la tête et soupire.
À quelques kilomètres de la rue Iablounska, une voisine de Maxime et Anna, Nastya Glyieva, pâtissière de 36 ans, se trouvait elle-aussi en Roumanie, quand les soldats russes sont arrivés à Boutcha.
Pour ne pas rester prisonnière des informations, elle a travaillé comme bénévole à Filaret, une gare routière de Bucarest, devenue un point de transit pour les réfugiés ukrainiens.
«L’enseignante de ma fille de 11 ans et toute sa famille ont été tués», confie-t-elle. «Et je ne sais pas comment lui dire cela». «Quasiment tous les jours nous entendons retentir des engins explosifs désamorcés par notre armée», ajoute-t-elle. «Au début, cela me faisait sursauter, mais maintenant c’est devenu normal.»
Sa maison, achetée il y a un an, a été épargnée par les combats. Son beau-frère, Dmitri Gliev, est venu y habiter. Ce cuisinier âgé de 20 ans a vécu auparavant quasiment un mois sous occupation russe dans son petit village près de Tchernobyl, repris depuis par les forces ukrainiennes.
«Fin février, nous étions sous complète occupation, il y avait plus de mille Russes dans notre village», raconte Dmitri. «On nous a dit que ça ne durerait pas longtemps mais ils sont restés là pendant un mois.»
«Au début, j’avais très peur, j’avais mis mon matelas dans la salle de bains et je suis resté là durant trois jours», poursuit-il. «Nous faisions notre farine nous-mêmes avec du blé et nous cuisions le pain confectionné avec». Dmitri est à présent chargé du barbecue pour le dîner chez Maxime.
«S’ils avaient pris Kiev, il n’y aurait plus d’Ukraine, de liberté, de culture ukrainienne, juste «une petite Russie», observe Maxime. «Mais moi je ne vivrais jamais dans un pays comme ça.»