Rapt d’enfant«La justice dit que la mère de Camille n’a pas menti»
Si la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (F) a écarté la calomnie en lien avec les accusations d’abus sexuels, elle a par contre condamné la maman pour soustraction de mineur. Une contradiction majeure pour son avocate Me Sophie Benayoun.
- par
- Evelyne Emeri
Le verdict, tombé ce mercredi 4 janvier, a condamné l’ex-fugitive à 2 ans et 9 mois ferme pour soustraction de mineur. 33 mois, quasiment le maximum - fixé à 3 ans - que l’on peut infliger pour cette seule qualification juridique. Les trois autres infractions, la non-représentation d’enfant, mais surtout la dénonciation mensongère et la dénonciation calomnieuse, ont été écartées par le Tribunal d’appel français. Une excellente nouvelle pour la défense qui ne va pas manquer de s’enfiler dans cette brèche béante et va se pourvoir en cassation. Objectif: faire annuler ce jugement qui ne dit rien d’autre que mère et fille sont crédibles dans leurs allégations d’abus sexuels envers Camille par son géniteur. Son père Alain Chauvet a du reste fortement réagi juste après l’annonce de la sentence dans lematin.ch: «Je suis un violeur aux yeux de la justice».
10 mois purgés
Son ex-femme qui s’est évanouie dans la nature durant onze ans avec sa fillette, devenue une adolescente de 17 ans, a déjà purgé 10 mois. La moitié à la prison de la Tuilière de Lonay (VD), tout près du lieu de son interpellation fin février 2022 lors d’un contrôle de routine par la police de Morges (VD); l’autre moitié à la prison des Baumettes à Marseille (F) depuis son extradition début août 2022. Il lui reste 23 mois à passer derrière les barreaux, sans compter qu’elle a aussi écopé d’une interdiction de quitter la France durant trois ans. La kidnappeuse, selon le dernier jugement, a toujours affirmé avoir voulu protéger son enfant en fuyant en 2011. Elle refusait de remettre la petite de 5 ans à son papa depuis que celle-ci s’était confiée à sa grand-mère puis à elle-même, évoquant des faits alarmants.
Me Sophie Benayoun, très investie dans les causes traitant des victimes d’inceste, n’était pas à Toulon (F) lors du procès en première instance. L’avocate de Bordeaux (F) a été approchée par sa consœur Me Myriam Guedj Benayoun pour que la ravisseuse et calomnieuse présumée soit défendue à quatre mains en audience d’appel à Aix-en-Provence (F). La femme de loi avait plaidé la relaxe complète fin novembre dernier. Les juges ne l’ont pas suivie entièrement. Et offrent ainsi à la défense l’opportunité de faire basculer cette affaire. Qui plus est, avec la plainte déposée le 18 novembre 2022 par la jeune fille en Suisse pour violences psychologiques, physiques et sexuelles auprès du Ministère public central du canton de Vaud, à Renens. Camille y réitère ses accusations contre son père. Comme elle le fait dans une vidéo qu’elle a tournée elle-même.
«Je suis super déçue»
«Je suis super déçue du résultat. En revanche, que la dénonciation calomnieuse et la dénonciation mensongère n’ont pas été retenues veut bien dire que la mère n’a pas agi de façon manipulatoire, mensongère ou imprudente. Cette relaxe signifie que l’hypothèse de l’instrumentalisation a été balayée. La motivation de la Cour, c’est l’audition de police de l’enfant (ndlr. en janvier 2011) qui n’a pas été bien menée. Rien ne permettait aux juges de dire si ça s’est passé ou pas. Malgré cela, ils estiment ma cliente coupable de soustraction de mineur. Ils lui ont infligé le maximum pour éviter un aménagement de peine. Nous allons étudier maintenant une nouvelle demande de libération conditionnelle», explique Me Benayoun depuis son étude bordelaise.
«C’est incohérent»
Pour la femme de robe, il y a une contradiction majeure dans ce jugement: «La plainte pour viol et agression sexuelle de ma mandante à l’encontre de son ex-mari est donc légitime. Pour autant, elle devait présenter l’enfant à son père (ndlr. garde alternée), alors qu’elle venait de recevoir des révélations graves de sa fille. C’est totalement incohérent. Cela révèle que la parole des enfants très jeunes n’est toujours pas prise en considération. La mère de Camille a été condamnée pour l’avoir protégée, pour avoir exigé qu’une enquête sérieuse soit effectuée. Encore une fois, le point positif, c’est que la justice dit qu’elle n’a pas menti, qu’elle n’a pas diffamé, pas manipulé. Pour le détail, la plainte de la maman a été classée sans suite en trois jours (ndlr. 18 au 21 janvier 2011) et sans notification écrite, ce qui est obligatoire. Un policier l’a informée par téléphone».
«À partir de là (ndlr. plainte classée), ma cliente contrevient à la loi. Il y a une inaction totale sur la plainte pour abus sexuels et un acharnement pour non-représentation de l’enfant. La mère de Camille se retrouve en garde à vue début février 2011, sous contrôle judiciaire le 25 février 2011 dans l’attente de sa convocation au tribunal le 29 mars 2011 et sous mandat d’arrêt dès le 2 mars 2011 avant la tenue de l’audience», fulmine l’avocate qui va former un pourvoi en cassation. Elle s’apprête également à saisir le Défenseur des droits, une autorité indépendante qui veille au respect des droits et libertés en France.
Une nouvelle accusatrice
Et puis il y a cette lettre envoyée au procureur et à la Cour d'appel d’Aix-en-Provence (F), datée du mardi 3 janvier, la veille du verdict du procès en appel, qui interpelle et jette un froid. «C’est une femme qui affirme avoir reçu, à l’âge de 14 ans, des propositions de relations sexuelles de la part de l’ex-époux de la prévenue. C’est la fille d’un ancien ami d’Alain Chauvet. Elle raconte qu’il l’a draguée de manière intempestive, tripotée, coincée, ainsi que l’une de ses copines. Elle explique également avoir été témoin d’attaques violentes envers ses trois autres enfants issus d’un premier mariage et qu’il avait des gestes incestueux», déclare Me Sophie Benayoun. L’avocate assure le sérieux de ce témoignage: «La signataire de cette missive s’identifie et donne ses coordonnées de même que celles de sa mère et de sa sœur».