PologneÀ court d’ouvriers ukrainiens, le secteur du bâtiment est en panne
Des milliers de travailleurs ukrainiens installés en Pologne sont rentrés au pays pour défendre leur patrie face aux Russes. Résultat: la branche de la construction manque de main-d’œuvre.

Avant le déclenchement de la guerre, le bâtiment employait plus de 480'000 étrangers. Parmi eux, quatre sur cinq étaient Ukrainiens. Environ un quart des Ukrainiens sont repartis chez eux pour défendre leur pays.
Photo d’illustration/Pixabay«Je n’ai plus un seul employé ukrainien», tous restent dans leur pays qui se bat contre l’invasion russe, déclare Szymon Janiewski, patron d’une petite entreprise de bâtiment, à Varsovie. Depuis le début de l’agression, le 24 février, «tout le monde dans le secteur a le même problème de main-d’œuvre, des travailleurs ukrainiens», souligne cet homme d’une quarantaine d’années, à la tête de sa société baptisée «Culture supérieure du bâtiment».
Certes, la Pologne a accueilli en un mois près de 2,2 millions de réfugiés d’Ukraine fuyant les combats, mais il s’agit essentiellement de femmes, enfants et personnes âgées. Plus de 300’000 Ukrainiens bénéficiaient d’un permis de séjour en Pologne avant l’invasion russe, selon les données officielles, mais leur nombre réel était estimé à environ 1,5 million.
«Des citoyens ukrainiens, des hommes, ont abandonné leur lieu de travail en Pologne et sont repartis défendre leur patrie», a indiqué à la radio Jedynka, la ministre polonaise de la Famille et des Affaires sociales, Marlena Malag. Aussi «les employeurs signalent-ils que certains secteurs risquent de manquer de main-d’œuvre», a-t-elle reconnu.
Le secteur du bâtiment semble le plus touché. «Avant le déclenchement de la guerre, la branche employait 1’370’000 personnes, toutes professions confondues, dont plus de 480'000 étrangers. Parmi eux, quatre sur cinq étaient Ukrainiens», indique Jan Stylinski, président de l’Association des employeurs du bâtiment. Selon les estimations de son organisation, environ un quart des Ukrainiens sont repartis chez eux depuis le début de la guerre.
Ce phénomène s’ajoute à un «manque chronique» de main-d’œuvre dans le secteur. En 2019 déjà, la branche estimait ce déficit à 150’000 travailleurs, «aujourd’hui cela monte à 250’000 environ», précise Jan Stylinski. Selon lui, ce problème concerne «principalement des PME», surtout dans l’est du pays, voisin direct de l’Ukraine.
«Ils étaient les piliers de mon entreprise»
«Ils étaient dix et ils constituaient les piliers de ma boîte», regrette Szymon Janiewski. «C’était une équipe avec laquelle j’ai travaillé depuis quatre ans, je les ai formés à mes standards et on s’entendait très bien.» Depuis un mois, il doit faire appel à des sous-traitants.
L’entrepreneur garde le contact avec ses employés ukrainiens retenus au pays et ne les a pas abandonnés en détresse. En ce moment, il accueille chez lui dix membres de leurs familles, des femmes et des enfants réfugiés en Pologne. «Je les héberge chez moi, les enfants sont déjà inscrits à l’école», dit-il. Comme des milliers de Polonais, d’ONG et d’autorités locales, il s’est précipité à l’aide aux réfugiés, sans attendre la réaction de l’administration gouvernementale.
Le manque de main-d’œuvre n’est pourtant pas le seul effet de l’invasion russe en Ukraine. Fin février, les prix des matériaux de construction ont augmenté en moyenne de 27% par rapport à février 2021, mais par exemple ceux des isolants ont crû de 72% pendant la même période, et c’est dans un contexte général d’inflation de 8,5% et de hausse du coût du travail.