BrésilUn Parlement très à droite pour Lula ou Bolsonaro
Le nouveau Parlement brésilien penche encore plus à droite qu’il y a quatre ans, de quoi compliquer la tâche d’un éventuel gouvernement de gauche de Lula, ou faciliter celle de Bolsonaro.
À l’issue du premier tour, le 2 octobre, l’ex-président de gauche Luiz Inácio Lula da Silva, a terminé en tête (48%), mais c’est le camp d’en face qui était à la fête. Le chef de l’État d’extrême droite a obtenu un bien meilleur score que lui prédisaient les sondages (43%). Et quelle que soit l’issue du second tour, le 30 octobre, sa formation, le Parti libéral (PL), sera la mieux représentée au Parlement.
À la Chambre des députés, le PL a obtenu 99 des 513 sièges, du jamais vu pour un parti brésilien depuis 1998, avec 23 élus de plus qu’il y a quatre ans. Si l’on ajoute les sièges du Parti progressiste (PP) et des Républicains, deux autres formations qui soutiennent inconditionnellement Bolsonaro, on obtient plus d’un tiers des députés (190).
Au Sénat, le PL s’est adjugé six sièges supplémentaires, pour un total de 13 sur les 81 de la chambre haute, contrôlée à 53% par des partis de droite.
«C’est un Parlement conservateur, libéral», s’est félicité auprès de l’AFP le président de la chambre basse, Arthur Lira, du PP, un des plus proches alliés du président sortant.
Un Parlement «hostile» à Lula
Malgré la douche froide du 2 octobre, Lula demeure le favori des sondages. Mais s’il finit par s’imposer au second tour, l’ancien métallo devra composer avec «un Parlement hostile, en raison d’une poussée de la droite, et surtout de l’extrême droite», explique Oliver Stuenkel, politologue de la Fondation Getulio Vargas.
Selon lui, des parlementaires comme le député Eduardo Bolsonaro, fils du président, et le sénateur fraîchement élu Sergio Moro, qui a condamné Lula à de la prison ferme pour corruption, «vont tenter de lui compliquer la vie».
Des demandes de destitution pourraient être présentées «dès le début» de son éventuel mandat, le 1er janvier.
La coalition de gauche de Lula dispose d’environ 120 sièges à la chambre des députés. Pour tenir ses promesses de campagne, comme des augmentations d’impôts pour les plus riches, l’ancien syndicaliste devra nouer des alliances au centre, comme il l’avait fait lors de ses deux premiers mandats (2003-2010).
Qui dit centre, dit «Centrao», une nébuleuse de petits partis qui font la pluie et le beau temps au Parlement depuis des décennies, avec des alliances au gré du vent. Le «Centrao» pèse plus de 240 sièges dans le nouveau Parlement, largement de quoi faire pencher la balance en faveur de Lula.
Mais cela serait loin d’être gratuit: ces partis monnaient souvent leurs soutiens en échange de postes dans l’administration publique ou de subventions pour leurs fiefs électoraux.
Et le vent peut tourner, comme l’a appris à ses dépens l’ex-présidente de gauche Dilma Rousseff (2011-2016), dauphine de Lula, délaissée par une bonne partie du «Centrao» lors de sa destitution.
Carolina Botelho, chercheuse en communication politique à l’Université de l’État de Rio de Janeiro, considère néanmoins que la plupart des élus de droite pourraient être ouverts au dialogue. «Les plus extrémistes n’ont pas de grand parti de masse qui pourrait faire pression sur l’exécutif», estime-t-elle.
Les mains libres pour Bolsonaro
Si le président d’extrême droite est réélu, son deuxième mandat pourrait s’avérer moins conflictuel que ses quatre premières années au pouvoir. «Ce Parlement est pacifié et cette grande majorité nous permettra de faire approuver (des projets de loi) plus rapidement», a déclaré le chef de l’État dimanche.
Il pourra en outre nommer deux nouveaux juges à la Cour suprême dès 2023, des nominations devant être approuvées par un Sénat qui lui est désormais plus favorable.
C’est aussi la chambre haute qui peut destituer un juge de cette haute cour, où Jair Bolsonaro a de nombreuses bêtes noires, notamment Alexandre de Moraes, qui a ordonné l’ouverture d’enquêtes contre lui pour désinformation.
«Le plus gros risque contre la démocratie dans un second mandat de Bolsonaro serait qu’il puisse faire davantage pression sur le judiciaire», résume Oliver Stuenkel.