Football: Analyse: la recette de ce Servette invincible

Publié

FootballAnalyse: la recette de ce Servette invincible

Les Grenat n’ont plus perdu depuis 15 matchs et restent sur trois victoires. Un savant mélange entre des principes forts et une capacité de René Weiler à s’adapter.

Valentin Schnorhk
par
Valentin Schnorhk
À l’image de Gaël Ondoua, buteur contre Stade Lausanne, Servette a trouvé son rythme et sait imposer son jeu à ses adversaires.

À l’image de Gaël Ondoua, buteur contre Stade Lausanne, Servette a trouvé son rythme et sait imposer son jeu à ses adversaires.

Bastien Gallay

Depuis son estrade, René Weiler ne veut rien dire. Le titre de champion de Suisse, auquel Servette est de fait un candidat? «Je n’en parle jamais, moi». Soit. Mais avec 15 matchs consécutifs sans défaite en Super League, les Grenat ne se cachent pas. Et à l’exception de leur match nul 3-3 à Winterthour pour la reprise (après avoir mené 1-3), leur bilan de ce début d’année affiche un sans-faute. Servette reste sur 3 victoires consécutives: 1-0 contre Yverdon, 0-2 à Saint-Gall et 3-1 contre Stade Lausanne dimanche.

3 adversaires différents dans leur style, mais trois victoires quand même. Comme une façon d’affirmer que ce Servette sait s’adapter à à peu près tout. Et qu’il est capable de dominer tout le monde. Les données avancées sont formelles: après deux tours de championnat, la formation genevoise est à la fois celle qui se créé le plus d’opportunités de marquer et également celle qui en concède le moins. Le tout grâce à un style qui devient reconnaissable et qui ne pâtit pour l’instant pas du départ de Chris Bedia. Décryptage.


Les principes forts et récurrents

La projection rapide

Il avait fallu y voir une certaine rupture. En succédant à Alain Geiger au début de saison, René Weiler voulait marquer sa différence et amener certaines idées. Avec, en premier lieu, l’idéal d’un football plus direct. Il fut un peu long à se mettre en place et à se détacher d’une certaine caricature, mais Servette s’y est attaché. Les Grenat ne voient pas d’intérêt à répéter les longues séquences de possession: ce n’est pas une équipe qui multiplie les passes.

Comme à Winterthour le 20 janvier, Servette ne lésine pas lorsqu’il s’agit d’aller rapidement vers l’avant.

Comme à Winterthour le 20 janvier, Servette ne lésine pas lorsqu’il s’agit d’aller rapidement vers l’avant.

Cela est notamment prégnant lorsque le SFC a l’opportunité de laisser le ballon à un adversaire qui le désire plus que lui. Il peut alors jouer un football rapide et vertical à la récupération. À Winterthour, contre Saint-Gall ou même contre SLO (avec un pressing plus haut), Servette a ainsi pu démontrer sa létalité sur ces séquences-là. Parce que ses joueurs offensifs, à commencer par Dereck Kutesa, se projettent immédiatement en transition offensive.

Servette est très tourné vers le but adverse, aussi sur action placée. Comme ici à Saint-Gall où le 0-1 va être inscrit sur un autogoal de Stanic. Mais 5 Servettiens étaient présents dans la surface.

Servette est très tourné vers le but adverse, aussi sur action placée. Comme ici à Saint-Gall où le 0-1 va être inscrit sur un autogoal de Stanic. Mais 5 Servettiens étaient présents dans la surface.

Il y a la vitesse, mais il y a aussi le nombre. De par son organisation en 4-4-2, Servette joue avec quatre joueurs très haut, auxquels il faut généralement ajouter un des deux milieux et, éventuellement, un latéral. Le reste garantit l’équilibre. Cela vaut également sur des actions plus «placées», même si elles ne le sont jamais vraiment avec les Genevois, qui tendent à être directs lorsqu’ils le peuvent. Mais rarement en ne se reposant que sur un seul joueur. Les actions sont le plus souvent accompagnées.

La densité avec le ballon

La verticalité à laquelle Servette et Weiler croient n’a pas pour autant vocation à délaisser la réflexion dans le jeu avec ballon. Au contraire, les progrès de Servette sont venus petit à petit pendant l’automne, parce qu’il a gagné en structure. Autrement dit, les Grenat semblent toujours mieux organisés, et notamment lorsqu’ils ont le ballon.

La densité avec ballon fait la singularité de ce Servette, comme ici où 9 joueurs de champ sur 10 sont réunis sur toute la moitié droite du terrain. Seul Kutesa donne la largeur à l’opposé.

La densité avec ballon fait la singularité de ce Servette, comme ici où 9 joueurs de champ sur 10 sont réunis sur toute la moitié droite du terrain. Seul Kutesa donne la largeur à l’opposé.

Ce qui fait leur identité, c’est notamment la densité en possession du ballon. Soit la tendance à afficher beaucoup de compacité et de proximité même lorsqu’ils sont installés dans la moitié de terrain adverse. En fait, il est commun qu’il n’y ait qu’un seul joueur qui «sorte» de la structure pour donner de la largeur. Il s’agit généralement d’un des ailiers, Kutesa étant souvent l’élément désigné, même tout cela n’est pas figé.

À la construction, il est commun qu’un des latéraux accompagne les centraux pour former une ligne de trois, comme ici avec Mazikou.

À la construction, il est commun qu’un des latéraux accompagne les centraux pour former une ligne de trois, comme ici avec Mazikou.

Reste qu’il y a des mouvements qui permettent d’identifier le projet, et notamment le comportement des latéraux, Bradley Mazikou à gauche et Keigo Tsunemoto à droite. À la construction, l’un comme l’autre ont souvent tendance à accompagner les défenseurs centraux pour former une ligne de droit pour assurer la première passe, cela permettant de créer une supériorité face à la ligne offensive adverse.

Lorsque le jeu s’oriente d’un côté, le latéral opposé vient créer de la densité à l’intérieur du jeu. Comme ici avec Tsunemoto.

Lorsque le jeu s’oriente d’un côté, le latéral opposé vient créer de la densité à l’intérieur du jeu. Comme ici avec Tsunemoto.

Et puis, une fois que l’action est entamée et qu’elle s’oriente vers un côté, le latéral opposé vient occuper un rôle très intérieur, à l’instar d’un milieu de terrain. L’objectif étant de renforcer l’axe et, surtout, d’avoir un rôle préventif en cas de perte de balle. Même avec le ballon, l’intérieur du jeu est protégé si l’adversaire devait partir en transition.

Cette densité permet notamment de déployer beaucoup d’intensité à la perte de balle, plusieurs joueurs se retrouvant très proches du porteur.

Cette densité permet notamment de déployer beaucoup d’intensité à la perte de balle, plusieurs joueurs se retrouvant très proches du porteur.

En finalité, cette densité symbolise un des progrès les plus notables de Servette en ce début d’année: l’intensité du pressing à la perte. La proximité avec le porteur rendue possible par la densité, l’effort des Servettiens se veut extrêmement marqué dans les premières secondes après une possession perdue. En la matière, l’activité d’Alexis Antunes se révèle précieuse.


Ce qui s’adapte: la hauteur du bloc

Ce Servette qui va bien est aussi un Servette qui sait répondre à l’adversité. La variable d’ajustement, c’est la manière dont il défend. Précisons: la façon dont il presse, à savoir la hauteur de bloc et les signaux perçus qui déclenchent les courses intenses des Grenat.

Les 4 matches disputés par les Servettiens en 2024 donnent des exemples des différentes animations défensives adoptées par les Genevois. On les détaille.

À Winterthour, le 20 janvier, Servette a un peu surpris par son attentisme. Autrement dit, il a peu pressé, s’organisant le plus souvent dans un bloc médian qui laissait les Zurichois avancer jusqu’à la ligne médiane, tout en fermant l’axe. L’agressivité, elle, venait lorsqu’un ballon pénétrait à l’intérieur ou dès lors que le jeu se rapprochait des buts de Joël Mall. Objectif supposé? Profiter des déséquilibres défensifs de Winterthour pour exploiter les espaces en transition. À ce niveau-là, cela avait bien fonctionné.

À Winterthour, Servette était en bloc médian et se montrait actif lorsque la balle passait à l’intérieur, comme ici où Cognat va se montrer agressif dans le coeur du jeu.

À Winterthour, Servette était en bloc médian et se montrait actif lorsque la balle passait à l’intérieur, comme ici où Cognat va se montrer agressif dans le coeur du jeu.

Contre Yverdon, le 27 janvier, schéma différent. Les Nord-Vaudois, avec Alessandro Mangiarratti à leur tête, se veulent joueurs. Les sorties de balle sont réfléchies, en témoigne l’idée d’avoir deux milieux (Cespedes et Liziero) dans la surface en plus des deux centraux.

Contre Yverdon, Servette bloquait une sortie haute et se montrait prêt à jaillir sur les côtés si les latéraux nord-vaudois étaient touchés.

Contre Yverdon, Servette bloquait une sortie haute et se montrait prêt à jaillir sur les côtés si les latéraux nord-vaudois étaient touchés.

Alors Servette s’est positionné très haut, avec trois joueurs pour démarrer depuis l’axe (Antunes et Guillemenot, soutenus par Cognat). Les deux ailiers, eux, avaient pour objectif de sortir rapidement sur les latéraux si ceux-ci étaient directement cherchés. Aidés par les Yverdonnois, les Grenat ont alors réalisé leur meilleure performance au pressing de la saison, avec 30 ballons récupérés dans le dernier tiers adverse.

À Saint-Gall mercredi dernier, donnée différente face à une équipe qui n’hésite pas à allonger lorsqu’elle est pressée. Le choix de Servette: se positionner haut, mais laisser les centraux saint-gallois effectuer leurs premières passes. Les hommes de Weiler, eux, se sont surtout concentrés à rendre l’axe le plus dense possible, sachant la tendance des Brodeurs à chercher à passer par l’intérieur. Le positionnement servettien devant essentiellement contraindre Saint-Gall à allonger.

À Saint-Gall, Servette s’est positionné haut et s’est attelé à laisser les défenseurs adverses effectuer leurs premières passes tout en densifiant l’intérieur du jeu. Objectif: contraindre Saint-Gall à allonger.

À Saint-Gall, Servette s’est positionné haut et s’est attelé à laisser les défenseurs adverses effectuer leurs premières passes tout en densifiant l’intérieur du jeu. Objectif: contraindre Saint-Gall à allonger.

Enfin, contre SLO dimanche, la configuration s’est voulue encore différente, avec la défense centrale à trois des Lausannois, lesquels cherchent à repartir depuis l’arrière en trouvant des relais à l’intérieur. Là, les Grenat ont déclenché leur pressing dès la première passe effectuée, en orientant SLO sur les côtés pour les y enfermer. C’est finalement sur une passe de Kadima vers Bamba plein axe qu’Ondoua a pu récupérer la balle du 2-0.

Contre SLO, Servette s’est montré agressif dès la première passe. Cela va permettre à Ondoua de récupérer un ballon plein axe et d’aller inscrire le 2-0.

Contre SLO, Servette s’est montré agressif dès la première passe. Cela va permettre à Ondoua de récupérer un ballon plein axe et d’aller inscrire le 2-0.

4 matches, 4 approches. Signe d’un Servette qui sait s’adapter. Mais qui ne se veut pas trop versatile pour autant. Les Grenat ont trouvé leur rythme: personne n’affiche autant de maîtrise qu’eux cette saison.

Ton opinion