CommentaireCe que Volodymyr Zelensky peut attendre de la Suisse
Réexportation d’armes, gel des avoirs russes, fonds pour la reconstruction ou accueil des réfugiés, le soutien de la Suisse à l’Ukraine reste fort. Certains aimeraient davantage, d’autres moins.


La Suisse est plus que jamais du côté de l’Ukraine, même si cela provoque des divisions internes avec l’UDC.
Ludovic MARIN / POOL / AFPLe président ukrainien s’exprimera le jeudi 15 juin devant le Parlement suisse, soit l’avant-dernier jour de la session d’été, alors que tous les sujets concernant la guerre en Ukraine et ses conséquences auront été traités. Pour d’aucuns à Berne, cette programmation tardive visait à éviter que le président puisse influencer la politique intérieure de la Suisse avec son discours. C’est un reproche que l’UDC n’a pas manqué de faire en tentant, en vain de s’opposer à sa venue.
Depuis le début de la guerre en février 2022, la condamnation par la Suisse de l’invasion de l’Ukraine a été claire. La violation du droit international par la Russie de Vladimir Poutine, demeure inacceptable à Berne et fonde depuis la politique fédérale. Mais, concrètement, certains dossiers contiennent des lignes de front qui relèvent de la politique intérieure de la Suisse. Du côté de l’UDC, on aurait voulu davantage de neutralité. Certains lorgnent carrément du côté de Moscou ou ne cachent leur fascination pour Vladimir Poutine.
Pas d’aide militaire
Le thème plus commenté est la question du matériel de guerre helvétique vendu à d’autres pays et frappé d’une interdiction de réexportation, en particulier vers l’Ukraine. Ici, Volodymyr Zelensky n’a pas d’illusion à se faire. La position stricte du Conseil fédéral sur la neutralité militaire ne donne pas de signe d’essoufflement, malgré la pression internationale. Quant aux Chambres fédérales, elles semblent s’arranger pour que ce dossier continue de patiner. Ce que l’une fait, l’autre défait et vice versa. Il se joue une sorte de cacophonie organisée pour que la Suisse ne bouge pas d’un iota. Hormis, très indirectement, pour les 25 chars léopards qui pourraient être livrés à l’Allemagne, Volodymyr Zelensky ne peut pas compter sur une aide militaire de la Suisse.
Plus de sanctions?
Concernant la traque aux avoirs russes dans le cadre des sanctions internationales, Volodymyr Zelensky pourrait espérer que la Suisse se montre un peu plus zélée. Mais là aussi, les Chambres fédérales ont de la peine à s’entendre. Après plusieurs échecs, une nouvelle proposition de task force en la matière est en route au Parlement. Mais Guy Parmelin s’y est toujours opposé, estimant que la Suisse appliquait à la lettre les sanctions. La seule évolution récente – que pourrait saluer le président ukrainien - est que le Conseil fédéral se dit ouvert à la confiscation de certains fonds russes gelés, qui pourraient être affectés à la reconstruction de l’Ukraine.
Des milliards pour la reconstruction
La reconstruction, c’est sur ce thème que la Suisse a placé ses premiers pions sur l’échiquier international. Avec Ignazio Cassis, elle a accueilli à Lugano en juillet 2022 la «Ukraine Recovery Conference», qui a lancé le processus de reconstruction. Il est évidemment question de beaucoup d’argent, étant donné les destructions massives des infrastructures auxquelles se livrent les Russes depuis des mois. La Commission de politique extérieure du National propose de fixer une enveloppe de 5 milliards de francs sur dix ans. Mais le Conseil fédéral y est opposé, préférant une approche plus prudente selon l’évolution du conflit. Pour l’instant, il parle de 1,8 milliard pour les six prochaines années.
Réfugiés toujours bienvenus
Enfin sur le plan des réfugiés, la Suisse s’est montrée particulièrement accueillante avec le statut S octroyé aux Ukrainiens, qui leur permet d’aller et venir sans tracasseries administratives. Actuellement, leur nombre s’est stabilisé autour des 65 000. Pour l’instant, au vu de l’évolution du conflit, les tentatives de la droite d’affaiblir ce statut ont échoué. Volodymyr Zelensky peut donc s’attendre à ce que ses compatriotes soient encore bien accueillis en Suisse.