Football: Netflix déballe le linge sale de la FIFA

S’il ne s’agissait pas du monde réel, la matière aurait indéniablement de quoi promettre une belle série policière. «FIFA: Ballon rond et corruption» est une mini-série de quatre épisodes sortie mercredi sur Netflix. Le documentaire revient sur les heures sombres de la FIFA, et entame les hostilités avec les images des arrestations de plusieurs responsables de Fédération internationale de football en 2015.

Une opération de grande envergure menée avec soin sur demande des autorités américaine, et qui précédait de deux jours la - probable - réélection de Sepp Blatter à la présidence. «C’était le pire jour», se rappelle Jérôme Valcke, secrétaire général de l’institution de 2007 à 2015. C’est aussi à ce moment-là que le Ministère public de la Confédération (MPC) a annoncé avoir ouvert une procédure pénale sur l’attribution des Coupes du monde 2018 et 2022.

Un jour parmi d’autre pour une fédération qui, Netflix le rappelle à de multiples reprises, a passablement souffert de problèmes de corruption au cours de son histoire. Une énorme machine arborant une manne financière conséquente, dont certaines personnes semblent profiter. «La FIFA est devenue toxique. Elle est devenue une organisation criminelle», se souvient Gianni Infantino, l’actuel président. Lui évolue au sein d’une gouvernance totalement différente.

Que dit celui qui était en charge à l’époque? «J’ai la conscience tranquille.» Sepp Blatter a beau avoir affirmé dans les colonnes des journaux du groupe Tamedia que l’attribution de la Coupe du monde au Qatar était une erreur, il a nuancé sa responsabilité dans le documentaire. «Il n’a rien fait pour arrêter le train en marche», glisse Jérôme Valcke dans le documentaire. Les deux hommes ne travaillent plus ensemble, mais se sont déjà croisés durant leurs apparitions devant la justice.

Le premier épisode de la mini-série – «La montée de Sepp Blatter» – sert surtout à recontextualiser. De la création de la FIFA à son statut de machine à engranger de l’argent, il y a des étapes marquantes. David Conn, journaliste et auteur d’un livre sur la chute de la FIFA, évoque l’aspect marketing devenu prépondérant après la Coupe du monde qui a eu lieu en Argentine en 1978. Le dernier fait important que couvre l’épisode porte sur le congrès qui a eu lieu en 1998 à Paris. Au sujet de l’argent livré dans des chambres d’hôtel de la capitale à ce moment-là, le conseiller personnel de Blatter se montre très franc. Était-ce une rumeur? «Non, c’est vrai», répond Guido Tognoni.

Sepp Blatter est devenu président de la FIFA. Ses arguments pour l’emporter face au Suédois Lennart Johansson étaient clairs. Premièrement, chacun des votants connaissait le secrétaire général d’alors, qui leur assure son envie de continuité. Deuxièmement, Blatter promet la tenue d’une Coupe du monde dans le continent africain, ce qui n’avait jamais été rendu possible jusque-là.

La victoire du Suisse est aussi l’occasion de montrer ses alliés et le climat régnant à l’époque. On voit par exemple Michel Platini, qui sera par la suite le conseiller de Sepp Blatter pendant plusieurs années, suivre attentivement le résultat du vote. Là encore, les deux hommes se retrouveront plus tard lors d’audiences au tribunal. Ils ont tous les deux été acquittés par le Tribunal fédéral de Bellinzone dans le cadre de leur procès pour escroquerie, en juillet 2022.

Ça, c’était la FIFA d’avant. C’est du moins ce que promet et ce à quoi travaille la fédération depuis plusieurs années. Son équipe dirigeante a totalement changé depuis 2016, et elle a entamé des réformes conséquentes dans sa gouvernance pour éviter qu’un tel scandale n’éclate à nouveau. Elle décrit notamment quatre gros chantiers depuis 2016: davantage de transparence financière, une meilleure gouvernance, une claire division des tâches et une restructuration des comités.

Nul doute que la parution de ce documentaire, diffusé 11 jours avant le début de la Coupe du monde au Qatar, risque de remettre de l’eau dans le gaz.