Football - Que réserve le Lugano nouveau?

Lugano n’est pas le carrefour du monde. Mais il est peut-être celui des langues. C’est l’étonnante condition du Tessin qui veut ça: à la fois canton et région linguistique minoritaire, sa population se tourne vite vers le reste de la Suisse. La pratique d’une deuxième langue nationale (français ou allemand) y est valorisée plus que nulle part ailleurs. Bref, au sud des Alpes, on pratique mieux que tout le monde le jonglage des langues. Et encore plus depuis cette semaine, avec l’arrivée de l’Américain (au patronyme italien) Joe Mansueto à la tête du club local.

Mercredi, lors de la conférence de presse officialisant le passage de témoin entre Angelo Renzetti et Mansueto, les protagonistes se sont amusés à converser en italien, français, allemand et anglais, selon leurs facilités. Signe que Lugano passe dans une autre dimension. Celle où l’on réfléchit à l’échelle globale. Le nouveau propriétaire du club est aussi celui des Chicago Fire, entraîné par Raphaël Wicky et où Georg Heitz (ex-Bâle) est également le directeur sportif. Ce dernier, présent mercredi au Tessin, sera aussi impliqué dans la nouvelle stratégie bianconera.

Quelle sera-t-elle? Il y a d’abord l’affiliation à Chicago, qui évolue en Major League Soccer. «C’est un partenariat que l’on veut gagnant-gagnant, insistait Mansueto, présent en visioconférence. Nous voulons profiter du fait d’avoir deux clubs pour travailler en réseau, notamment en ce qui concerne la détection de joueurs. Nous regarderons à la fois localement et globalement. Avoir deux clubs est un avantage, par exemple pour lever des ressources. Il y aura des échanges.» Comme Lausanne avec Nice, au sein de la structure Ineos? Comme GC avec Wolverhampton, sous propriété chinoise? Autrement dit, avec un destin de club ferme, d’autant plus prégnant sachant que Mansueto ne viendra que très ponctuellement à Lugano («Ma philosophie est plutôt de déléguer») et que Heitz reste basé aux États-Unis? «Non, les deux clubs seront au même niveau», a relativisé Mansueto.

Il demeure légitime de se poser certaines questions. Car qui dit nouvel investisseur peut aussi suggérer que la place de Lugano au sein du football suisse est susceptible d’évoluer. Le discours des nouveaux propriétaires et dirigeants se veut résolument ambitieux. «Nous voulons investir pour avoir du succès, a annoncé le nouveau boss. À long terme, nous voulons être champions. Bien sûr, la crise est passée par là et Lugano n’est pas une exception. Mais le plan n’est pas de vendre des joueurs pour dégager des moyens. Nous ne sommes pas dans une stratégie d’économies, mais plutôt d’investissement dans l’effectif. Nous ne voulons pas perdre de temps et nous sommes sur le point de signer un joueur très talentueux.»

Il pourrait s’agir de l’attaquant Mohamed El Amine Amoura, présenté comme un espoir du football algérien. Âgé de 20 ans, et évoluant sous les couleurs de l’ES Sétif, on le disait courtisé entre autres par Metz, qui évolue en Ligue 1, et la Salernitana (promue en Serie A). Il pourrait finalement atterrir à Lugano, selon les bruits émanant de son pays d’origine, pour près de 1,5 millions de francs. Un signe fort, et surtout une somme à laquelle les clubs de Super League ne sont pas habitués. Si les Tessinois devenaient capables de s’aligner sur de telles recrues, cela changerait forcément la donne, dans un championnat où les recettes liées aux droits télévisuels ou à la billetterie sont minoritaires.

Mercredi, Georg Heitz n’a pas confirmé ce transfert. «Nous le connaissons très bien, et pas depuis hier», s’est-il contenté de glisser. Peu après avoir affirmé que «nous n’allons pas signer cinq joueurs maintenant, mais plutôt préparer le mercato de janvier. Mais il est clair que nous avons besoin de deux ou trois joueurs supplémentaires.» Amoura pourrait très bien en faire partie. Le nouveau Lugano a aussi la chance de pouvoir compter sur une structure déjà en place, à Chicago. En plus de Heitz, le club de l’Illinois mise aussi sur l’Allemand Sebastian Pelzer, directeur technique. Sa venue à Lugano, pour observer le fonctionnement sportif, est agendée à l’automne. Le temps de réfléchir, pour prendre les meilleures décisions possibles. Même si, financièrement, le Lugano nouveau est au chaud: la fortune de Joe Mansueto est estimée à 5,7 milliards de dollars.