FranceUn ex-secrétaire d’État accusé de «harcèlement sexuel»
Le politicien français Jean-Vincent Placé a été visé par une enquête pour des actes déplacés envers une femme. Il avait déjà été condamné pour des faits similaires.
De nouvelles accusations de violences sexuelles visent Jean-Vincent Placé: Audrey*, une collaboratrice de l’ex-secrétaire d’État écologiste, l’accuse dans une plainte de harcèlement sexuel entre 2012 et 2016, des faits qui font l’objet d’une enquête.
Sollicité sur cette plainte par l’AFP et Mediapart, le Parquet de Paris a indiqué avoir ouvert le 23 novembre une enquête pour «harcèlement sexuel», confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP). Contacté, Jean-Vincent Placé «prend acte» de la plainte.
«Je ne souhaite pas à ce stade faire un quelconque commentaire. Je répondrai, bien entendu, à toutes les questions qui viendraient à m’être posées par les enquêteurs», a ajouté l’ex-patron des sénateurs écologistes en réponse à l’AFP et Mediapart.
Condamné à une amende
En mars dernier, il a été condamné à une amende pour harcèlement sexuel sur une gendarme chargée de sa sécurité. En septembre 2018, il avait été condamné à trois mois de prison avec sursis et 1000 euros d’amende pour violences et outrages lors d’une soirée où il avait reconnu avoir été «extrêmement insistant» et «déplacé» avec une cliente.
Un troisième épisode avait déjà été évoqué par un tweet fin 2017 d’Audrey et par un article de «Libération» de 2018. Au siège de l’ambassade de France à Rome, le 14 juillet 2016, le secrétaire d’État aurait «ordonné» à sa collaboratrice «de danser un slow» avec le sénateur centriste François Zocchetto.
Fin 2018, le visage flouté, Audrey avait accusé ce dernier sur France 3 de l’avoir «pressée» et d’avoir placé sa «main basse dans le dos».
«Déterminée»
François Zocchetto avait présenté ses «excuses» pour n’avoir «pas osé résister à l’injonction» de Jean-Vincent Placé, mais exclu «tout comportement répréhensible». L’AFP n’a pu le joindre. «Les mouvements de libération de la parole et les injonctions amicales des femmes ont déterminé» Audrey, aujourd’hui âgée de 35 ans, «à parler», selon son avocat, Me Tewfik Bouzenoune.
Car, dès 2012, et sa «première semaine» avec Jean-Vincent Placé, selon la plainte, il aurait ainsi «exigé» d’elle «port de la robe et escarpins». Elle accuse ensuite Jean-Vincent Placé de lui avoir «touché les fesses» dans une discothèque à Lille, en marge du rassemblement estival du parti en août 2015.
Mi-mai 2016, à Séoul, elle assure aussi que celui qui était alors secrétaire d’État lui a «touché délibérément la poitrine» dans une voiture dans laquelle se trouvait l’ambassadeur de France en Corée du Sud, Fabien Penone, qui a renvoyé l’AFP vers le Quai d’Orsay.
Une «main sur la cuisse»
Audrey assure dans sa plainte que Jean-Vincent Placé lui aurait aussi mis une «main sur la cuisse» en octobre 2014, lors d’un dîner parisien avec des élus, ou une «main dans le bas du dos» en février 2016. L’AFP n’a pas trouvé de témoin direct confirmant ces épisodes.
Mais trois autres ex-collaboratrices d’élus ont raconté à l’AFP et Mediapart avoir également subi des gestes déplacés de l’ex-secrétaire d’État: la première, Julie*, «à l’arrière d’un taxi en 2011»; la seconde, Margaux*, «dans un restaurant en 2015» et au secrétariat d’État un an plus tard; la troisième, Éléonore*, dans la même discothèque de Lille en août 2015.
«Flou artistique»
Deux autres anciennes collaboratrices disent, elles, n’avoir ni subi ni noté de remarques ou de gestes déplacés de l’ex-figure écolo. La première dit cependant avoir été «constamment en alerte» pour éviter «le flou artistique», «menaçant»: «toute la charge mentale de protéger l’intégrité d’une relation de travail incombe aux jeunes femmes dans ce milieu-là». La seconde évoque aussi des scènes de «drague un peu lourde» de Jean-Vincent Placé. Selon la plainte d’Audrey, les agissements de Jean-Vincent Placé à son égard ont été signalés à Matignon et à l’Elysée.
À partir de l’épisode de Rome, en juillet 2016, Audrey s’est confiée à des amis: «Je l’ai vue à son retour d’Italie», «humiliée», raconte l’un d’eux. Un «moment de prise de conscience de tout ce qu’elle subissait depuis cinq ans», confirme une autre. Je l’avais vue «dépérir physiquement», abonde une troisième.
Plusieurs témoignages incriminent une addiction à l’alcool de Jean-Vincent Placé, qu’il a reconnue en 2018. Plus largement, au moins quatre femmes attestent du «comportement déplacé» ou du «climat d’ambiguïté» entretenu au travail par l’ex-sénateur. Ce climat dans les milieux écologistes avait aussi été mis en cause lors des accusations visant l’ex-député Denis Baupin.
*Les prénoms ont été modifiés