Guerre en Ukraine: «Détruire l’ennemi qui est venu sur notre terre» 

Publié

Guerre en Ukraine«Obsédé par une seule idée: détruire l’ennemi qui est venu sur notre terre»

La reconquête ukrainienne près de Bakhmout est sanglante. Témoignages avec des soldats de Kiev sur le front.

Un soldat ukrainien avec un lanceur de grenades antitank, près de Bakhmout, le 13 juillet 2023.

Un soldat ukrainien avec un lanceur de grenades antitank, près de Bakhmout, le 13 juillet 2023. 

REUTERS

Iouri Korpan a 39 ans. Il en paraît 10 de plus. Les traits tirés, le visage tanné, le fantassin ukrainien revient d’une semaine de combats sanglants près de la ville de Bakhmout, dans l’est de l’Ukraine. Mobilisé en août dernier, ce père de trois jeunes enfants se bat au nord de Bakhmout, tombée sous contrôle russe en mai après des affrontements extrêmement meurtriers, débutés à l’été 2022.

Lors de son dernier jour sur la ligne de front, «les bombardements ont commencé à 4 heures du matin, avec des mortiers et de l’artillerie. Puis ça s’est un peu calmé. Une heure plus tard, l’ennemi a commencé à monter à l’attaque», raconte Iouri Korpan à l’AFP. «Nous avons riposté. Des mitrailleuses, des (lance-roquettes) RPG, des lance-grenades, puis les mortiers. Bref, la bataille a commencé», poursuit l’homme, employé dans le secteur de la construction avant sa mobilisation.

Depuis le début de leur contre-offensive en juin, les Ukrainiens avancent lentement sur les flancs de Bakhmout, au prix de combats «acharnés» selon leur ministère de la Défense, pour tenter de prendre l’ennemi en tenaille et de reconquérir cette ville aujourd’hui dévastée.

Adrénaline

Au combat, «l’adrénaline monte dans le sang, on est dans une sorte d’excitation (...) On combat pour sa vie et pour celle de nos frères», raconte Iouri Korpan. «On a besoin d’être là, à cet endroit. On est tendu comme une corde et obsédé par une seule idée: détruire l’ennemi qui est venu sur notre terre. Sur le champ de bataille, il faut tuer», répète le soldat.

Ressent-il de la peur? «Bien sûr, on a peur, mais on se ressaisit. Et quand on se bat, la peur disparaît. Dans le combat lui-même, il ne faut pas avoir peur, il faut la surmonter et accomplir clairement sa tâche. La peur est aussi un ennemi», répond-il. Après les combats, «les jambes et les bras ont mal à cause d’un grand effort physique. Il faut quelques jours pour récupérer.»

«Seul un fou n’a pas peur»

Sur le flanc sud de Bakhmout, les troupes ukrainiennes avancent aussi lentement, notamment vers le village de Klichtchiïvka. C’est là où se bat Vitaliï Stoliartchouk, 31 ans, commandant d’une section d’infanterie. «Bien sûr que c’est effrayant, seul un fou n’a pas peur», abonde le soldat, lunettes noires collées au visage. «Je crois en Dieu et je le prie constamment pour que mes frères et moi sortions vivants de la bataille. Il faut avoir la tête froide et des yeux à 360 degrés», explique-t-il.

«Tuer quelqu’un est difficile, prendre la vie de quelqu’un est difficile. Les Russes opposent une forte résistance», mais «leurs chances sont faibles: après une préparation d’artillerie, nous sortons et nous achevons ceux qui sont restés», assène le chef de section. Compte-t-il le nombre d’ennemis qu’il a tués? «C’est impossible et cela n’a aucun sens», répond Iouri Korpan. «Je n’ai pas compté les Russes morts! Seuls les débutants font cela.»

Terrain miné

Dans cette zone, les mines antipersonnel russes guettent les Ukrainiens. «Tout est généralement miné. Ils (les Russes) s’enfuient très vite en laissant leurs armes derrière eux. Ils minent leurs positions pendant la retraite. Les soldats (ukrainiens) inexpérimentés sont pris par ces pièges», relate Vitaliï Stoliartchouk.

Selon le médecin volontaire Volodymyr Veselovsky, qui opère dans un point de stabilisation où les soldats blessés reçoivent des premiers soins, ce type de blessures s’est multiplié. «Depuis plusieurs semaines nous avons plus de traumatismes causés par des mines. Des blessures aux pieds, aux jambes. Un jour nous avons eu cinq blessés qui ont dû être amputés par la suite», dit-il à l’AFP.

«Tout brûle et explose»

Mais selon lui, la grande majorité des blessures restent liées à des frappes de l’artillerie, particulièrement celles des redoutables lance-roquettes multiples soviétiques Grad. «Yary», de son nom de guerre, dirige justement un bataillon comptant une dizaine de LRM Grad, qui peut tirer jusqu’à 40 roquettes en 20 secondes couvrant «un carré de 400 m par 400 m».

«Un carré solide où tout brûle et explose. Cela a aussi un très grand impact psychologique (sur les Russes). Après plusieurs attaques de ce type, il arrive qu’ils jettent leurs armes et courent dans une direction inconnue», assure-t-il.

À moins de 2 km des positions russes, Massik, 27 ans, un pilote de drone, est caché à l’ombre d’arbres dans une courte tranchée. Au-dessus de lui dans le ciel bleu, des projectiles sifflent et se croisent régulièrement, tirés à distance depuis des positions d’artillerie de chaque camp. Il se dit «optimiste» sur l’offensive ukrainienne. «Bakhmut sera à nous», assure-t-il, «nous devons chasser l’ennemi de notre terre» et «libérer tout le pays». 

Ne ratez plus aucune info

Pour rester informé(e) sur vos thématiques préférées et ne rien manquer de l’actualité, inscrivez-vous à notre newsletter et recevez chaque jour, directement dans votre boite mail, l'essentiel des infos de la journée.

(AFP)

Ton opinion

9 commentaires