Votations 26 septembre - L’initiative «99%» s’attire une volée de bois vert

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Votations 26 septembreL’initiative «99%» s’attire une volée de bois vert

Tant le grand argentier Ueli Maurer que les milieux économiques ont tiré mardi à boulets rouges sur le texte «100% nuisible» des Jeunes socialistes qui veut redistribuer l’argent des plus riches au reste de la population.

Christine Talos
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Christine Talos

Les explications de la Confédération sur le texte des Jeunes socialistes

Hasard du calendrier: tant le Conseil fédéral que les milieux économiques sont montés au front ce mardi pour dire tout le mal qu’ils pensaient sur l’initiative «99%» des Jeunes socialistes, un texte soumis au vote des citoyens le 26 septembre prochain. Pour le ministre des Finances, Ueli Maurer, le texte, qui veut redistribuer l’argent des plus riches au reste de la population, souffre d’un très gros manque de clarté et ne peut donc qu’être rejeté. Pour les milieux économiques, l’initiative est carrément «100% nuisible» et représente une attaque de front contre les PME.

Pour rappel, l’initiative «alléger les impôts sur les salaires, imposer équitablement le capital» veut imposer à 150% les parts du revenu du capital tels que les intérêts, les dividendes, les bénéfices réalisés sur les actions, les gains en capital ou les loyers, supérieures à un certain montant. En Suisse, les inégalités de richesse augmentent depuis des années et 1% le plus riche de la population possède désormais plus de 43% de la richesse totale du pays, déplorent les initiants. S’ils n’articulent aucun chiffre, ils proposent un seuil de taxation à 100’000 francs pour éviter de s’en prendre aux petits épargnants. Ainsi, un contribuable avec 150’000 francs de revenus du capital ne serait imposé que sur 50’000 francs. Les 10 milliards de francs de recettes fiscales générées en plus par leur méthode devraient soulager les Suisses les plus modestes via des baisses d’impôts ou en investissant dans les services publics.

Manque de clarté

Ueli Maurer devant la presse à Berne ce mardi

Ueli Maurer devant la presse à Berne ce mardi

Youtube de la Confédération

Pour le grand argentier de la Confédération, Ueli Maurer, rien n’est clair et il y a trop d’incertitudes dans ce texte qui serait très compliqué à mettre en œuvre s’il était accepté. À commencer par le concept même de revenu du capital. «Il faudrait d’abord définir de quoi on parle: de dividendes? Des intérêts? De biens immobiliers?» interroge-t-il.

Par ailleurs, les initiants veulent que les recettes supplémentaires générées soient affectées à des baisses d’impôts pour les personnes modestes et en faveur de la prospérité sociale. Mais là aussi, comment, se demande le conseiller fédéral. «Selon quels critères? Et à partir de quel niveau faut-il prendre en compte les revenus des personnes modestes?» demande-t-il. Quant à répartir l’argent récolté dans d’autres secteurs, là aussi, l’initiative ne précise rien, déplore Ueli Maurer. Sans parler que le seuil d’imposition reste ouvert, même si les initiants parlent de 100’000 francs, rajoute-t-il.

Du coup, il est impossible de faire des projections réelles sur ce que l’initiative rapporterait et à qui elle profiterait concrètement, a souligné le grand argentier qui a rappelé que tant le Conseil fédéral que le Parlement ont rejeté le texte sans contre-projet.

Une répartition actuelle suffisante

Les revenus sont déjà répartis de manière équilibrée et le capital est déjà suffisamment imposé, a fait valoir le ministre des finances.

Ueli Maurer estime de plus qu’il y a déjà une bonne répartition des richesses en Suisse, grâce notamment à l’impôt progressif. En outre, le capital est suffisamment imposé et a pression fiscale sur les revenus du capital est déjà suffisamment forte en Suisse, a-t-il plaidé. Il a rappelé que le 1% des plus riches payaient à eux seuls 40% de l’impôt fédéral direct. Ces plus fortunés paient également plus d’AVS, plus d’assurance chômage, etc., a-t-il souligné.

En outre, l’UDC zurichois a aussi estimé que notre pays faisait déjà figure de bon élève par rapport aux pays étrangers de l’OCDE puisqu’il est l’un des rares à avoir un impôt sur la fortune. Enfin, a-t-il avancé, l’initiative est dangereuse pour l’économie car elle risque de dissuader les plus fortunés d’investir dans l’innovation et la créativité, et donc de créer de l’emploi en Suisse.

«0% de réflexion»

Autant d’arguments qui avaient été avancés plus tôt dans la matinée par un comité des milieux économiques, très remontés contre le texte des Jeunes socialistes. En plus d’être à «100% nuisible», il y a aussi «0% de réflexion derrière cette initiative», a ainsi critiqué le président de l’Union suisse des arts et métiers (USAM) Fabio Regazzi (Centre/TI). «Elle est mal pensée et mal construite. Sa formulation est peu claire, voire arbitraire. L’initiative ne précise même pas ce qui doit être taxé. C’est acheter les yeux fermés», dénonce-t-il.

En outre, pour lui, l’initiative est dangereuse puisqu’elle toucherait tous ceux qui ont économisé de l’argent ou acheté un appartement ou une maison. «Quiconque dirige une entreprise, possède une exploitation agricole ou détient une participation dans une start-up devrait aussi payer beaucoup plus d’impôts avec cette initiative, critique-t-il.

Menace contre les PME

La conseillère nationale Diana Gutjahr (UDC/TG) s'en est, elle aussi, prise au texte qui menacerait les PME. «En Suisse, 90% des entreprises sont des entreprises familiales. L’initiative les menace de charges supplémentaires massives», affirme-t-elle. Si les revenus du capital étaient imposés à un taux plus élevé, cela entraînerait une raréfaction des ressources financières disponibles dans l’entreprise. Il en résulterait une fuite de capitaux massive, explique-t-elle. «Les possibilités d’investissement seraient sévèrement limitées. Cela freinerait l’innovation et la création d’emplois. Ceux qui en pâtiront ne sont pas seulement les riches mais aussi les travailleurs».

«Après la crise sanitaire, l’économie suisse a besoin d’une injection de vitamines», a abondé la conseillère nationale Jacqueline de Quattro (PLR/VD). Pour pouvoir investir dans l’innovation, les entreprises doivent pouvoir bénéficier des meilleures conditions-cadres. Or, l’initiative 99% va complètement à contre-courant, selon elle. «Il est en effet contradictoire que les entreprises soient soutenues à coups de milliards pendant la pandémie et que ces fonds soient aussitôt retirés après». En outre, le capital est très volatil. S’il était taxé davantage, il migrerait à l’étranger. Et les recettes fiscales en Suisse baisseraient en conséquence», a-t-elle déclaré.

Inégalité de traitement

De son côté, la conseillère nationale Daniela Schneeberger (PLR/BL) reproche au texte des Jeunes socialistes une inégalité de traitement. «Pourquoi un franc de revenu du capital devrait être plus lourdement taxé qu’un franc de revenu du travail?» demande-t-elle. «Ceux qui travaillent, qui ont eux-mêmes mis de l’argent de côté et veulent profiter de leurs économies plus tard, courent de plus en plus le risque d’être victimes de la convoitise socialiste. L’augmentation de la redistribution punirait le zèle, la prévoyance et les comportements durables», critique-t-elle.

La revendication qui consiste à imposer les revenus du capital à 150% – sachant que la Suisse est l’un des seuls pays d’Europe à connaître un impôt sur la fortune – n’est tout simplement pas appropriée, a de son côté estimé la conseillère nationale Kathrin Bertschy (PVL/BE). «Il s’agit d’une revendication populiste et extrême. Elle génère des réflexes de défense au lieu de processus de réflexion».

Les jeunes socialistes contre-attaquent

Après les conférences de presse des milieux économiques et du Conseil fédéral pour dire tout le mal qu'ils pensaient de l'initiative «99%», la Jeunesse socialiste n'a pas manqué de réagir mardi. Pour la JS, les deux camps «ferment les yeux sur l'inégalité croissante des richesses qui se creuse en Suisse depuis des décennies», écrit-elle dans un communiqué. De plus, ils ont même répandu des contre-vérités évidentes, estiment-ils.

Ainsi l'argument selon lequel l'initiative nuirait aux PME n'est pas fondé, car la «99%» ne taxerait que les personnes physiques et non les entreprises, précise la JS. Les propriétaires de PME ne risquent pas non plus d'être affectés par le texte: plus de la moitié des entreprises n'ont pas de bénéfice qui pourrait être distribué en tant que revenu du capital, et 34% paient moins de 10'000 francs d'impôts sur le bénéfice, explique-t-elle.

«L'initiative 99% vise les revenus du capital que touchent les plus riches sans fournir de travail. Pour être concerné par l'initiative, il faut percevoir plus de 100'000 francs d'intérêts ou de dividendes par an, soit bien plus que ce que la plupart des gens gagnent avec un emploi à plein temps", souligne la vice-secrétaire centrale de la JS, Mathilde Mottet.

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