Conduire en SuisseLa législation expérimentale pourrait permettre de lâcher son volant sur l’autoroute
Les conducteurs de voitures autonomes pourraient un jour enfreindre le droit en… toute légalité. Cela grâce à la «législation expérimentale», utilisée pour adapter nos lois au rythme rapide des progrès technologiques.
En mai dernier à Berlin, Mercedes-Benz présentait la première berline homologuée dans le monde qui offre la conduite semi-automatisée SAE de niveau 3, rappelle la NZZ am Sonntag. Elle permet de rouler en lâchant le volant sur l’autoroute et de vaquer à d’autres occupations pendant que la voiture s’occupe de tout. Ce système de conduite, le «Drive Pilot», n’est encore autorisé qu’en Allemagne. Car en Suisse, lâcher son volant est punissable. Le conducteur ou la conductrice devant garder à tout moment le contrôle total du véhicule.
Or, cela devrait changer, du moins à titre expérimental, grâce à un nouveau point de la loi révisée sur la circulation routière. Il devrait être soumis au vote final du Parlement lors de la session de mars prochain. Le projet de loi prévoit que l’Office fédéral des routes (OFROU) pourra un jour autoriser des essais avec des véhicules qui n’ont pas besoin du conducteur, sans que des trajets précis soient définis. De plus, dans le cadre de ces essais pilotes, les voitures à conduite autonome pourront même déroger aux prescriptions en vigueur du droit de la circulation routière.
Voilà qui réjouit le constructeur automobile Mercedes-Benz. Estimant que jusqu’ici les conditions-cadres en vigueur étaient trop contraignantes pour mener des essais pilotes en Suisse, selon Roger Welti, porte-parole du fabricant. Il va suivre de près les discussions au Parlement et les adaptations de la loi sur la circulation routière.
Permettre de suivre l’innovation
Une loi qui permet d’enfreindre la loi? Le nouvel article sur les voitures autonomes n’est pas un cas isolé. À l’ère de l’accélération des changements technologiques, on rencontre de plus en plus souvent de tels articles pilotes afin de répondre au constat que nos lois ont souvent un temps de retard sur ces changements. Pour exemple, le rythme de la numérisation, que notre processus législatif ne peut pas suivre. Le Conseil fédéral estime ainsi qu’une réglementation trop restrictive pourrait freiner l’innovation et s’opposer à de futures adaptations au droit international.
En effet, il s’écoule bien cinq ans avant qu’une nouvelle loi ne soit en vigueur dans notre pays. Interrogé par la NZZ am Sonntag, le conseiller aux Etats zougois Matthias Michel (PLR) trouve positif que «la politique se rende compte qu’elle étouffe l’innovation en voulant toujours faire une nouvelle loi en premier». L’avocat et président de la Commission de gestion du Conseil des Etats suit de près les développements dans ce domaine. «Dans un monde de plus en plus complexe et de plus en plus dynamique, il est impératif de créer des espaces légaux pour l’évolution technologique. On peut aussi en tirer des enseignements en réglementant moins», note-t-il.
Articles de loi expérimentaux pas nouveaux
L’instrument de la législation expérimentale existe depuis longtemps en Suisse. Entre autres exemples : la limitation de vitesse à 50 km/h en ville, la distribution d’héroïne par un médecin et l’accélération des procédures d’asile. Toutes trois ont d’abord fait l’objet d’essais pilotes. Mais le rythme s’accélère depuis 2021, selon le journal zurichois.
L'Office fédéral de la justice (OFJ) n’a pas souhaité évaluer l’accumulation d’articles expérimentaux. Toutefois, Philippe Gerber de l’unité Accompagnement législatif a indiqué à la NZZ am Sonntag: «Avant, il y avait peut-être une fois tous les cinq ans un article pilote, aujourd’hui, le sujet revient régulièrement.»
Autres articles pilotes en 2023
Cette année, en plus de l’article pilote sur les voitures à conduite autonome, trois autres articles expérimentaux vont probablement entrer en vigueur, selon la NZZ am Sonntag. Depuis le 1er janvier, on autorise déjà des essais pilotes de tarification dynamique de l’électricité, même s’ils contreviennent à la loi sur l’approvisionnement en électricité. Et les délibérations sur la loi fédérale sur l’utilisation de moyens électroniques dans l’accomplissement de tâches administratives (Embag) sont sur le point d’aboutir. Objectif: faire avancer la numérisation de l'administration fédérale. Cela en autorisant, dans un cadre limité, des dérogations en matière de protection des données et de sécurité informatique.
Quant à la révision de l'ordonnance sur le personnel de la Confédération, elle permet désormais de réaliser des essais pilotes dans le cadre duquel il est autorisé de déroger à l’ordonnance sur le personnel de la Confédération.