FranceDeux acteurs de la livraison express vont disparaître, les salariés «écœurés»
La liquidation de Getir et Gorillas a été prononcée mercredi par le Tribunal de commerce de Paris. 1300 emplois vont être supprimés.
Deux nouveaux acteurs de la livraison express de courses, Getir et Gorillas, vont prochainement disparaître des villes françaises après leur liquidation prononcée mercredi par le Tribunal de commerce de Paris. Cette décision judiciaire acte la suppression de plus de 1300 emplois en France, le groupe turc Getir, propriétaire de Gorillas depuis 2022, s’appuyant sur des livreurs embauchés en CDI. Concernant le sort de Frichti, autre filiale française du groupe turc forte de plus de 300 salariés, la décision du tribunal n’avait pas encore été divulguée à la mi-journée.
Il s’agit d’un nouveau revers pour le secteur du «quick commerce», en forte croissance à partir de 2020 puis durement touché par l’inflation et surtout affecté par un changement réglementaire décidé en mars pour lutter contre les nuisances de ses entrepôts – notamment les va-et-vient des livreurs à scooters ou à vélo venant chercher les commandes. Le gouvernement avait alors décrété que les «dark stores» – ces locaux où sont stockés les produits à livrer – étaient des entrepôts et non des commerces, ouvrant la voie à une régulation par les mairies de cette activité, et même à la fermeture de certains sites.
«Les dark stores, c’est fini»
Le décret est entré en vigueur au 1er juillet mais les entreprises de livraison n’ont pas attendu cette date pour réagir: Getir et le groupe allemand Flink ont annoncé en juin leur intention de quitter le territoire français, Getir France dénonçant «un environnement contextuel défavorable». «Les dark stores, c’est fini», avait dit à l’AFP Emmanuel Grégoire, le premier adjoint à la mairie de Paris, évoquant une bataille déjà gagnée face à «des comportements capitalistiques prédateurs».
«Pas surpris» de la liquidation judiciaire de Getir France et Gorillas, les salariés «attendaient juste que l’affaire se termine après les montagnes russes des derniers mois», explique Rémy Frey, délégué à la CGT commerce de Paris. «On est tous très fatigués», ajoute Arnaud Coulibaly, salarié et représentant du personnel de Gorillas.
Selon l’avocate Me Vincent, «un plan, travaillé par la représentation du personnel, a été rendu caduc par la société, qui a refusé de le financer au dernier moment», a-t-elle dit à l’AFP. «Aujourd’hui l’interrogation est au niveau du PSE (plan de sauvegarde de l’emploi, NDLR) et du versement des salaires», a-t-elle ajouté. Pour Johann Tchissambou, délégué syndical CFDT de Getir France, «Nazim Salur (le fondateur de Getir) ne respecte pas son engagement pris auprès du tribunal de commerce à payer les salaires de juillet 2023, (ce qui) plonge des salariés dans la précarité», a-t-il dit dans un communiqué.
«Insensibilité de l’actionnaire»
«Partout en France les salariés sont écœurés par l’insensibilité de l’actionnaire qui les abandonne aussi cruellement», ajoute le syndicaliste, alors même que, selon lui, le fondateur de Getir a évoqué dans une communication interne «une prochaine levée de fonds (qui) devrait être validée». La dernière collecte en 2022 avait valorisé le groupe turc à plus de 10 milliards d’euros. Ce dernier assurait alors avoir récolté 2 milliards de dollars depuis sa création en 2015.
En France, le groupe générait en 2022 un chiffre d’affaires de 120,3 millions d’euros selon une note interne à l’entreprise consultée par l’AFP, dont moins de la moitié via ses marques Getir et Gorillas. Getir connaît également des difficultés dans d’autres pays comme en Espagne, où plus de 1500 emplois sont menacés par le retrait du mastodonte turc.
Le secteur du «quick commerce» n’est pas à l’abri de nouvelles suppressions d’emplois, puisque le Tribunal de commerce de Paris doit examiner à la fin de l’été les solutions de reprise de Flink France. Une offre conjointe entre la maison mère allemande Flink SE et Guillaume Luscan, le directeur général de Flink France, a été déposée lundi. Elle prévoit la reprise de 238 salariés, soit une petite moitié seulement des effectifs actuels.