GenèveProcès Ramadan: «Brigitte» a eu peur de mourir frappée
La plaignante a raconté sa version de cette nuit du 28 octobre 2008 dans un hôtel genevois.
«Brigitte», qui accuse Tariq Ramadan de l’avoir violée, a dit mardi avoir eu «peur de mourir» frappée, au deuxième jour du procès à Genève de l’islamologue, où un témoignage de l’humoriste controversé Dieudonné est venu appuyer les dires du prédicateur, qui nie toute culpabilité.
D’une voix calme et très sûre la plaignante – qui a choisi le pseudonyme de «Brigitte» pour se protéger des menaces – a raconté sa version de cette nuit du 28 octobre 2008 dans un hôtel de Genève. Elle dit avoir eu «peur de mourir suite aux coups reçus à la tête, à plusieurs moments», ainsi que d’ «étouffement», dans la salle d’audience du tribunal correctionnel de Genève.
Plainte portée en 2018
Elle assure que l’islamologue l’a soumise à des actes sexuels brutaux accompagnés de coups et d’insultes. Elle a porté plainte en 2018. De ce procès elle attend d’être «reconnue victime de Tariq Ramadan et, ajoute-t-elle en pleurs, «que je tire un trait».
Un soutien inattendu à l’islamologue est venu de Dieudonné M’bala M’bala, humoriste français multicondamné pour injures raciales et incitation à la haine, avec qui la plaignante a collaboré en tant qu’agent artistique. Son nom apparaît dans un courrier anonyme récemment reçu par les juges suisses.
Aux magistrats, Dieudonné a expliqué avoir recueilli, en présence d’autres personnes, les confidences de «Brigitte» à propos de sa relation avec M. Ramadan. Il assure qu’elle avait parlé de «coup d’un soir ou de quelque chose comme ça», sans mentionner de violence. «Je crois en l’innocence» de Tariq Ramadan, a asséné Dieudonné.
La plaignante a donné une autre version concernant cette rencontre: Dieudonné lui a «demandé si l’histoire avec Tariq Ramadan était vraie; et j’ai dit oui» et «il n’y a pas eu d’autres confidences».
Un paravent pour ne pas le voir
Dans la salle du tribunal, «Brigitte» est séparée de Tariq Ramadan par un paravent pour ne pas avoir à le voir durant ce procès. Elle a indiqué avoir fait la connaissance de l’islamologue lors d’une séance de dédicace à Genève, quelques mois avant les faits, puis l’avoir revu lors d’une conférence en septembre dans la même ville, dont Tariq Ramadan est originaire. S’en était suivie une correspondance de plus en plus intime sur des réseaux sociaux.
L’intellectuel, figure charismatique et contestée de l’islam européen, risque entre deux et dix ans de prison. Le jugement est attendu le 24 mai. Le procès doit s’achever mercredi.
Multiples pertes de conscience
M. Ramadan assure ne pas avoir dit à la plaignante qu’il se trouvait à Genève le soir des faits et soutient que c’est elle qui lui a proposé un café et s’est invitée dans sa chambre d’hôtel. Il reconnaît l’avoir embrassée, avant de mettre fin à la relation. Selon l’acte d’accusation cependant, il s’est rendu coupable de «viol à trois reprises» durant la même nuit et de «contrainte sexuelle». «J’ai été inconsciente de longs moments», a assuré mardi la plaignante.
Lorsque le président du tribunal lui a fait remarquer qu’elle n’avait pas eu de plaies, elle a dit avoir eu après «le visage en feu» et ne plus bien y voir. Après cette nuit, elle a rencontré à plusieurs reprises un psychiatre pour parler de ce qu’elle a subi.
Menacé d’un procès en France
Tariq Ramadan, âgé de 60 ans aujourd’hui, est menacé d’un procès en France pour des faits similaires. Docteur de l’université de Genève, où il a écrit une thèse sur le fondateur de la confrérie égyptienne islamiste des Frères musulmans qui était son grand-père, Tariq Ramadan a été professeur d’études islamiques contemporaines à l’université d’Oxford, au Royaume-Uni, et invité de nombreuses universités au Maroc, en Malaisie, au Japon ou au Qatar.
En France, il est soupçonné de viols commis entre 2009 et 2016 sur quatre femmes, une affaire qui a déclenché sa chute en 2017. Le parquet de Paris a requis en juillet son renvoi devant une Cour d’assises. Il appartient aux juges d’instruction chargés des investigations d’ordonner un procès ou pas. Le dossier français lui a valu plus de neuf mois de détention provisoire en 2018. Il est depuis sous contrôle judiciaire en France, mais bénéficie d’autorisations exceptionnelles pour se rendre en Suisse.