ZambieL’opposant historique, Hakainde Hichilema, investi président
Plébiscité lors de la présidentielle zambienne du 12 août, Hakainde Hichilema, l’éternel opposant finalement devenu président, prend mardi les rênes du pays.
Sixième fois candidat à 59 ans, «HH» surnommé aussi «Bally», terme affectueux désignant un aîné, a été élu avec près d’un million de voix d’avance et une forte participation (71%) contre le président sortant Edgar Lungu, 64 ans. Avec lui, la Zambie réussit une transition politique en douceur, fait assez rare en Afrique où seuls 17 pays ont élu à leur tête un opposant depuis 2015.
Des chefs d’États africains ainsi que des figures d’opposition sont attendus en fin de matinée à la cérémonie d’investiture, au stade des Héros à Lusaka.
Dans ce pays pauvre, en dépit de ses richesses en cuivre, l’inflation a fait flamber les prix des produits de base, devenus inabordables pour une population dont plus de la moitié vit sous le seuil de pauvreté. L’homme d’affaires autodidacte, devenu millionnaire, devra aussi s’atteler au problème d’une dette estimée à dix milliards d’euros, dont la moitié auprès de créanciers privés.
Lancé dans une frénésie de projets de construction --ponts, routes, aéroports--, son prédécesseur était critiqué pour avoir emprunté de façon déraisonnable, notamment auprès d’investisseurs chinois. Le pays a été le premier en Afrique à avoir fait défaut sur sa dette depuis le début de la pandémie.
Edgar Lungu était aussi devenu de plus en plus inflexible à l’égard de toute opposition ou voix critique, faisant fermer des médias indépendants et arrêter des figures d’opposition.
Rêves démocratiques
Lui-même arrêté à plusieurs reprises, HH a toutefois assuré à son rival déchu qu’il pouvait être tranquille: «Vous ne ferez pas l’objet de représailles, ne recevrez pas de gaz lacrymogène». Dénonçant «le régime brutal» de son prédécesseur, il a promis une «démocratie meilleure» aux millions de Zambiens qui ont fait la queue, parfois jusqu’à l’aube, pour voter.
La frustration qui a poussé «les citoyens à voter en si grand nombre est un message clair», estime Ringisai Chikohomero, chercheur à l’Institut d’études de sécurité (ISS) basé en Afrique du Sud.
Le changement démocratique est notamment attendu par la jeunesse, mobilisée en masse pour le scrutin. Les moins de 35 ans ont représenté une majorité des sept millions d’inscrits dans le pays qui compte une population de 17 millions. «Pour eux, le vote cimente l’idée que le pouvoir appartient au peuple», explique à l’AFP l’économiste zambien Grieve Chelwa.
Les réseaux sociaux avec l’apparition de hashtags comme #BallyWillFixIt (Bally va régler le problème) ont notamment joué un rôle clef dans l’élection, selon Ringisai Chikohomero: «les Africains deviennent plus conscients, plus actifs et plus critiques».
Pour les experts, ces éléments contribuent au «vent de changement» qui souffle depuis plusieurs années sur un continent dont l’histoire est marquée par des dirigeants autoritaires.
Au Zimbabwe voisin, le président Emmerson Mnangagwa a d’ailleurs averti ses opposants de ne pas nourrir de tels rêves. Successeur de Robert Mugabe qui a tenu le pays d’une main de fer pendant 37 ans, Emmerson Mnangagwa qui avait lui aussi promis une «nouvelle démocratie», a finalement œuvré à consolider un parti unique et museler l’opposition ainsi que toute opinion dissidente. Reste à voir si en Zambie, HH «joindra le geste à la parole», laisse planer Grieve Chelwa.