VaticanCuirasse, hallebarde et uniforme: dans la peau d’un garde suisse
Jérémy, 21 ans, issu d’une famille d’agriculteurs du canton de Fribourg et Paul, 22 ans, prêteront bientôt serment en tant que gardes suisses et s’engageront à sacrifier leur vie pour le pape François.
Plusieurs fois par semaine, Jérémy et Paul troquent tee-shirt et sneakers contre un uniforme de la Renaissance et une imposante hallebarde. Bientôt, ils prêteront serment en tant que gardes suisses, chargés de la protection du pape au Vatican. «Il faut être deux pour revêtir l’ensemble: la partie du col autour du cou, le buste avant, le buste arrière, les épaulettes et le casque. Cela prend environ 1H30», confie à l’AFP Jérémy, 21 ans, en revêtant sa cuirasse de 15 kg dans l’armurerie de la caserne.
Autour de lui, mousquetons, épées, casques et armures rappellent l’histoire de la plus ancienne armée du monde en exercice, fondée par le Pape Jules II en 1506, et célèbre pour son uniforme chamarré à rayures bleues, jaunes et rouges.
Issu d’une famille d’agriculteurs du canton de Fribourg, ce charpentier de formation prêtera serment samedi, aux côtés de 22 autres camarades – sur 125 gardes au total – s’engageant à «sacrifier sa vie» pour le pape François pendant au moins 26 mois.
«C’est un monde assez curieux: plus on s’y intéresse, plus on a envie d’y venir», confie le jeune homme blond aux yeux bleus à l’imposante carrure, qui a ressenti «fierté et émotion» en revêtant l’uniforme pour la première fois.
«Extrêmement varié»
Quelques mètres plus loin, dans la cour ornée des drapeaux des cantons suisses, Paul – les noms de famille ne sont pas cités pour des raisons de confidentialité – 22 ans, répète en groupe la gestuelle millimétrée de la prestation de serment.
Arrivé en janvier, il a suivi deux mois de formation, dont un en Suisse avec la police, avant de commencer le service en mars. En patrouille, de jour comme de nuit, il veille sur les entrées et les lieux clés du Vatican. «Quand on arrive ici, on se dit «wow». Au début, on passe notre service à regarder toutes ces peintures, c’est fabuleux», sourit-il, seul sous les ors de la salle royale du palais apostolique, tandis que juste derrière la porte, des hordes de touristes photographient la chapelle Sixtine.
Il a eu le «déclic» en 2016 lors d’un voyage en famille à Rome. Il remplissait les conditions d’admission: être un homme célibataire de nationalité suisse, catholique pratiquant, âgé de 19 à 30 ans, mesurer au moins 1m74 et avoir «une réputation irréprochable».
Comme toute nouvelle recrue, il a dû ingérer une masse d’informations en un temps limité: apprendre l’italien, saluer, marcher en formation, manier la hallebarde, relever la garde, mais aussi reconnaître les visages des collaborateurs du Saint-Siège. «C’est un honneur pour la Suisse» mais «c’est très complexe, le travail est extrêmement varié», note Paul, dont les connaissances sont régulièrement évaluées.
«Sens du devoir»
L’histoire des gardes suisses a été marquée ces dernières décennies par deux événements tragiques: la tentative d’assassinat de Jean Paul II en 1981 et la mort mystérieuse d’un vice-caporal et de son supérieur, en 1998. Mais la sécurité du pape, partagée avec la gendarmerie vaticane, implique aussi la gestion des millions de touristes qui visitent chaque année la Cité-Etat.
Si la sélection se borne à un examen médical, les nouveaux gardes sont incités à faire du sport. «C’est assez contraignant d’être debout pendant des heures», concède Jérémy, devant la salle de fitness. Et «on doit toujours être prêts à intervenir s’il se passe quelque chose». Il s’agit aussi de faire bonne figure face à une mission très exposée. «Le pape avait dit une fois qu’on était sa carte de visite» et «on nous dit qu’on est les Suisses les plus photographiés au monde!», plaisante-t-il.
L’engagement implique toutefois des contraintes: contrairement à la plupart des jeunes de leur âge, les gardes n’ont pas toute latitude pour écumer les bars ou faire des rencontres. «Ce n’est pas le monastère, on a le droit de sortir, mais le service est la priorité. Cela nous inculque le sens du devoir», explique Jérémy.
Comme lui, beaucoup viennent aussi nourrir leur foi à travers la messe ou des retraites spirituelles, une manière de s’interroger sur leur avenir. Le reste du temps, ils peuvent visiter Rome, aller à la plage, faire de l’escalade ou courir dans les somptueux jardins du Vatican. «On vit dans un monde chargé d’histoire: on est très privilégiés», rappelle Jérémy, qui n’écarte pas la possibilité de rester pour une troisième année. «C’est une grande famille, on y trouve un beau sens de la camaraderie, de l’entraide», se félicite-t-il.