AfghanistanLes talibans s’emparent d’une deuxième grande ville, les Afghans inquiets
La ville de Sheberghan, dans le nord du pays, est la deuxième capitale provinciale à tomber aux mains des insurgés en moins de 24 heures. À Kaboul, l’inquiétude monte.
«Les forces (afghanes) et les responsables ont fui vers l’aéroport», a indiqué à l’AFP Qader Malia, vice-gouverneur de la province de Jawzjan, dont Sheberghan est la capitale, alors qu’à Kaboul, les inquiétudes montent déjà après la chute d’une autre capitale provinciale la veille.
La province de Jawzjan est le bastion du maréchal Abdul Rashid Dostom, puissant dirigeant de milice ouzbek, réputé pour sa loyauté changeante et sa barbarie. Si son bastion de Sheberghan devait rester aux mains des talibans, ce serait un nouveau revers pour le gouvernement qui a récemment fait appel aux anciens chefs de guerre pour tenter d’endiguer l’avancée des insurgés.
Les talibans s’étaient déjà rendus maîtres vendredi d’une première capitale provinciale, Zaranj (sud), sans réelle résistance des forces afghanes. Selon un journaliste de Sheberghan qui a demandé l’anonymat, les combats ont débuté vers 04h00 du matin avec des «coups de feu et explosions», avant le retrait des forces pro gouvernementales vers midi. «Maintenant les talibans sont partout, avec leurs drapeaux (…) les rues sont désertes et nous n’osons pas quitter nos maisons», a-t-il raconté.
Un conseiller du maréchal Dostom a confirmé la chute de Sheberghan. «Les forces de sécurité et les responsables se sont retirés dans une zone située à environ 20 km de la ville. Ils s’étaient déjà préparés, notamment en y transférant assez de munitions pour se défendre face à une attaque des talibans», a-t-il précisé.
Les talibans se sont emparés ces trois derniers mois de vastes territoires ruraux et dirigent désormais leurs offensives sur les grandes villes, encerclant plusieurs capitales provinciales, dont Kandahar (sud) et Hérat (ouest), deuxième et troisième villes du pays.
La peur à Kaboul
À Kaboul, des résidents interrogés par l’AFP samedi matin ont exprimé leurs inquiétudes suite à la prise de Zaranj. «Si le gouvernement ne prend pas la situation sécuritaire sérieusement (…), toutes les provinces pourraient tomber aux mains des talibans», a déploré Walid Ahmad, 20 ans, qui a fui les combats à Takhar (nord) il y a deux semaines.
Mohammad Qaim, 35 ans, a quant à lui fui Lashkar Gah, ville du Sud ravagée par les combats. «Les talibans pourront peut-être prendre plus de villes», s’est-il alarmé, martelant que la situation dépendait de l’interférence de pays tiers. «La guerre est imposée aux Afghans, et les Afghans brûlent.»
Nadia Faqiryar, une habitante de Kaboul, tente cependant de garder espoir: «Nous avons confiance en les forces de sécurité (…) mais tout le monde est menacé». «Le dialogue est la seule solution», a-t-elle ajouté, alors que les pourparlers de paix engagés en septembre à Doha entre Kaboul et les talibans n’ont mené pour l’instant à aucun résultat concret. «J’espère que la situation sécuritaire à Kaboul ne tournera jamais aussi mal».
Sur les réseaux sociaux, les messages diffusés par les talibans suggèrent un accueil plus chaleureux de la part des civils à Zaranj. Ces publications montrent les talibans brandissant leurs drapeaux sur des véhicules militaires alors que des jeunes hommes et garçons les acclament. Il est cependant difficile de savoir si ces réactions suggèrent un réel soutien aux insurgés ou si les civils doivent montrer leur soutien afin d’assurer leur sécurité.
Civils pris au piège
Depuis Kunduz, ville du Nord assiégée par les talibans depuis des semaines, l’activiste Rasikh Marof a raconté à l’AFP par téléphone que les combats ont fait rage la nuit dernière près du centre-ville, sans que les talibans ne puissent gagner du terrain. Les forces gouvernementales ont «sérieusement défendu» la ville pour empêcher les talibans d’entrer, a-t-il expliqué, précisant que ces derniers utilisaient «des mortiers et des armes lourdes».
Les forces afghanes ont eu recours à des frappes aériennes, selon Rasikh Marod et un responsable local. «De nombreux magasins ont fermé et les gens restent chez eux pour se protéger», a continué l’activiste.
Selon le Dr Fazli, responsable de la santé pour la province de Kunduz, contacté par l’AFP dans la matinée, 38 blessés et 11 morts civils avaient été emmenés à l’hôpital principal de la ville depuis la reprise des violences la nuit dernière. «Les ambulances ne peuvent pas se déplacer à cause des combats», a-t-il ajouté, précisant que ces chiffres pourraient augmenter dans la journée.