FootballLes transferts les plus romantiques du mercato estival
Au cours d’un mercato marqué par les offres mirobolantes de l’Arabie saoudite, plusieurs joueurs ont fait le choix du cœur pour poursuivre leur carrière.
- par
- Brice Cheneval
Dans le football, ce milieu brassé par la fortune des multimilliardaires, des fonds d’investissement et de certains États, l’argent a valeur de socle. Il dicte les carrières et oriente les choix. Rien de nouveau dans cette affirmation, mais la razzia de l’Arabie saoudite lors de ce mercato estival le rappelle brusquement.
Jusqu’à présent, les clubs de Saudi Pro League - notamment Al-Hilal, Al-Nassr, Al-Ittihad et Al-Ahli, soutenus par le Fonds public d'investissement - ont dépensé plus de 950 millions d’euros en transfert, selon les estimations de Transfermarkt. Des stars du calibre de Neymar, Karim Benzema, Sadio Mané et Riyad Mahrez, ainsi que Cristiano Ronaldo avant eux, ont succombé aux offres mirobolantes du royaume.
D’autres joueurs auraient pu les imiter mais ont opté pour une autre destination. Par amour du jeu, d’un club, d’une culture ou pour revenir aux sources. Rappelant que le ballon rond n’est pas - encore - qu’une histoire de gros sous mais de passion, avant tout. Celle-ci a animé 5 transferts, parmi d’autres, cet été.
Sergio Ramos (Séville FC)
Et soudain, tout a basculé. Attendu à Al-Ittihad, où l’attendait un salaire de 20 millions d’euros par an, le célèbre défenseur a finalement pris la direction de Séville pour retourner dans son club formateur, 18 ans après son départ au Real Madrid. D’après la presse espagnole, le natif de Camas - en périphérie sévillane - a accepté de ne toucher «que» 1 million d’euros pour honorer son année de contrat. Une manière de boucler la boucle. «C'est une dette envers mon père, mon grand-père, le Sévillismo, (Antonio) Puerta (ndlr: joueur du club décédé en 2007), autant de choses qui ont compté, a-t-il justifié. J'avais hâte de rentrer chez moi, il n'y avait pas de raison d'aller ailleurs.»
En pleurs lors de sa présentation dans un stade Sanchez-Pizjuan comble et acquis à sa cause, Sergio Ramos (37 ans) n’arrive pourtant pas en terrain complètement conquis. Les «Biris Norte» - le principal groupe de supporters du club - ont manifesté leur opposition à son retour, encore heurtés par les conditions de son transfert au Real Madrid et les provocations du joueur qui ont suivi les années suivantes. Malgré les excuses du principal intéressé, rien ne l’assure d’être un jour pardonné. L’histoire n’en reste pas moins belle.
Edinson Cavani (Boca Juniors)
À 36 ans, Edinson Cavani arrivait en bout de course sur le Vieux Continent. Alors plutôt que d’inscrire ses derniers buts dans l’anonymat, l’ancien goleador de Naples et du PSG a préféré s’offrir une fin de carrière en rockstar du côté de la bouillante Bombonera. Là où il rêvait tant d’évoluer. «Je voulais jouer à Boca, vivre cette expérience», a-t-il réagi. Dragué depuis plusieurs années par l’idole locale Juan Roman Riquelme, «El Matador» a été accueilli en héros par ses nouveaux supporters, frappé du mythique No 10. Quelques jours plus tard, il faisait trembler les filets pour la première fois devant eux, face à Platense (3-1).
En un mois et demi, l’idylle est déjà totale. «Cette expérience me surprend chaque jour parce que le monde de ce club est incroyable, s’est-t-il ébahi. J’ai joué pour de nombreuses équipes. Chaque pays et chaque public a sa propre histoire. Mais ce que je vis aujourd’hui est quelque chose qui m'a dépassé. On ne peut pas imaginer ce qu’on découvre en venant dans ce club.»
Angel Di Maria (Benfica)
En 2010, Angel Di Maria avait quitté Benfica pour le Real Madrid dans la peau d’un jeune talent prometteur. 13 ans plus tard, le milieu offensif au pied gauche de velours revient chez les Aigles auréolé d’un tout autre statut. Entretemps, il s’est forgé un palmarès de rêve, magnifié par le titre de champion du monde remporté avec l’Argentine en décembre. Le sentiment du devoir accompli, le grand ami de Lionel Messi aurait pu s’envoler sans remords pour l’Arabie saoudite, empocher un dernier chèque d’envergure. Son intention était tout autre.
Désormais âgé de 35 ans, Di Maria revient là où il s’est révélé aux yeux de l’Europe. Pour le plus grand bonheur des fans lisboètes, lesquels lui ont manifesté leur amour lors de sa présentation au Stade de la Luz. «Mes sentiments sont uniques, inégalables. Revenir à la maison, parce que je la considère ainsi, c'est inexplicable», a-t-il lancé devant une foule en délire.
«Il ne voulait plus écouter les offres des autres clubs quand il a appris que Benfica voulait le recruter, a confié le président du club, Rui Costa. Il ne voulait pas savoir quel serait son salaire. Il m'a dit: "Je veux vraiment jouer à nouveau pour Benfica, quel que soit le salaire que tu me donnes".»
Auteur de 4 buts et 2 passes décisives sur les 5 premiers matches de la saison, Di Maria n’a pas manqué ses retrouvailles. À tel point qu’une prolongation est déjà dans les tuyaux.
Santi Cazorla (Real Oviedo)
Malgré une carrière exemplaire, tant en club qu’en sélection, Santi Cazorla nourrissait un dernier rêve, à 38 ans: revêtir le maillot de son club formateur, le Real Oviedo, avec qui il n’est jamais apparu en équipe première.
Le double champion d’Europe - avec l’Espagne - a signé un contrat d’un an, au salaire minimum fixé par la deuxième division espagnole (91’000 euros). Par ailleurs, il s’est engagé à céder la totalité de ses droits à l’image à son club de cœur, à condition que 10% des revenus liés à la vente de ses maillots soient investis dans le centre de formation.
«Lorsqu'un garçon de 9 ans rêve de jouer dans sa ville, avec son peuple, sa famille, et qu'il a pour objectif de le réaliser, c'est un défi à relever, a-t-il indiqué. Beaucoup de gens peuvent penser que j’ai beaucoup à perdre et rien à gagner, mais pour moi c’est le contraire. Quand on a un rêve, il faut tout faire pour le réaliser.»
Une «dernière danse» méritée pour un joueur passé proche de l’amputation en 2017, lorsqu’une blessure mal soignée à la cheville droite l’avait poussé à recoudre son tendon d’Achille endommagé à l’aide d’une partie de son avant-bras gauche.
Dimitri Payet (Vasco da Gama)
Voilà plusieurs années que l’élégant meneur de jeu français se trouvait sur la sellette à l’Olympique de Marseille, en raison de son salaire imposant, son âge vieillissant et son physique déclinant. Jusqu’à cet été, il était toujours parvenu à conserver sa place dans l’effectif et avait annoncé à plusieurs reprises être déterminé à achever sa carrière sur la Canebière. C’était sans compter sur la volonté de Pablo Longoria de couper le cordon. Le président marseillais a fini par avoir gain de cause.
Après de déchirants adieux, Dimitri Payet (36 ans) s’est mis en quête d’un dernier challenge. Un temps évoquées comme des destinations potentielles, l’Arabie saoudite et la Turquie n’ont pas recueilli ses faveurs. Pas plus que la Ligue 1, où il ne souhaitait pas rebondir par fidélité envers l’OM. L’ex-international français s’est tourné vers le Brésil et Vasco da Gama, où le public lui a déroulé le tapis rouge.
Payet a effectué ses grands débuts le week-end dernier, contre Bahia. Entré en jeu à la pause, il lui a suffi d’une mi-temps pour justifier les attentes placées en lui. «Ce mec, c’est le Michel-Ange du ballon rond, s’est exclamé un supporter de Vasco da Gama auprès de So Foot. C’est le meilleur joueur que le club a engagé depuis des décennies.»