TurquieDes centaines d’évacués, le feu aux portes d’une centrale thermique
Les flammes encerclant la centrale de Milas, dans le sud du pays, ont repris de plus belle. Police, pompiers et habitants fuient le site.
Les secouristes turcs ont commencé jeudi à évacuer des centaines de villageois par la mer alors qu’un violent incendie se rapprochait dangereusement d’une centrale thermique stockant des milliers de tonnes de charbon.
Au son des alarmes d’évacuation, les habitants empilaient les maigres affaires qu’ils avaient pu sauver de leurs maisons à bord des hors-bords des garde-côtes mobilisés dans le port d’Oren, non loin de la ville de Milas, près de laquelle se situe la centrale, selon des journalistes de l’AFP sur place.
Ces incendies sans précédent auxquels fait face la Turquie depuis plus d’une semaine sont liés à la vague de chaleur extrême qui frappe le sud de la Turquie, en lien avec le réchauffement climatique selon les experts.
Les autorités locales ont assuré que les réservoirs d’hydrogène utilisés pour refroidir la centrale, qui fonctionne au fuel et au charbon, avaient été vidés et emplis d’eau par précaution. «Mais il y a un risque que le feu se répande aux milliers de tonnes de charbon qui se trouvent à l’intérieur», s’est inquiété auprès des journalistes un responsable régional, Osman Gurun.
Des images mises en ligne par le maire de Milas, Muhammet Tokat, montraient un feu violent aux portes de la centrale. «La centrale est en cours d’évacuation totale», a-t-il tweeté.
Le feu avait d’abord pu être maîtrisé mercredi grâce à deux avions bombardiers d’eau envoyés par l’Espagne et à des hélicoptères, qui avaient déversé de l’eau sur les sommets boisés et zones résidentielles proches. Mais les flammes sont reparties dans l’après-midi. «On vous supplie et vous avertit depuis des jours. L’incendie a encerclé la centrale», avait tweeté dans la journée le maire de Milas, demandant «qu’un avion bombardier d’eau soit envoyé ici de manière urgente».
Plus de 180 feux
Critiqué sur sa gestion de ces incendies, qui ont déjà fait huit morts, le président Recep Tayyip Erdogan, qui donnait une interview live à la télévision mercredi soir quand l’annonce de l’évacuation est tombée, a admis que la centrale «risquait d’être détruite par le feu».
Plus de 180 feux ont ravagé des forêts et des terres agricoles, ainsi que des zones habitées sur les côtes méditerranéennes de la Turquie depuis mercredi dernier. Les incendies ont aussi gravement touché les sites touristiques qui avaient récemment pu reprendre leurs activités après des mois de restrictions liées à la pandémie de Covid-19.
Selon le service de surveillance par satellite de l’Union européenne, la «puissance radiative» des incendies en Turquie a atteint une intensité «sans précédent» depuis 2003.
L’opposition a reproché au président Erdogan d’avoir échoué à maintenir sa flotte de bombardiers d’eau et d’avoir mis du temps à accepter l’aide internationale. Le Haut Conseil turc de l’audiovisuel (RTUK en turc) a de son côté mis en garde les chaînes de télévision contre la diffusion d’informations sur les incendies qui pourraient «provoquer la peur et l’inquiétude» au sein de la population.
Recep Tayyip Erdogan a accusé l’opposition de tenter de tirer un bénéfice politique de la situation, alors que des pays voisins comme la Grèce sont aussi touchés par les incendies. «Les feux de forêt sont une menace internationale tout comme la pandémie de Covid-19», s’est-il défendu. «Comme partout dans le monde, il y a eu une forte augmentation des feux de forêt dans notre pays. Il ne devrait pas y avoir de place pour la politique dans cette question», a-t-il ajouté.
Une guerre
Lors des premiers jours des incendies, des chroniqueurs sur les médias pro-gouvernementaux avaient accusé le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation considérée comme terroriste par la Turquie et ses alliés occidentaux, d’en être responsable.
Mais les autorités citent désormais la vague de chaleur extrême qui continue de frapper le sud de la Turquie. Selon des experts, le changement climatique dans des pays comme la Turquie augmente la fréquence et l’intensité des incendies de forêt.
Le ministre turc de l’Agriculture, Bekir Pakdemirli, a déclaré que les températures dans la ville égéenne de Marmaris avaient atteint un record historique de 45,5 degrés cette semaine. «Nous menons une guerre», a déclaré le ministre aux journalistes. «Nous devons garder notre moral et notre motivation. J’exhorte tout le monde à être patient», a-t-il ajouté.