Migrants aux États-UnisUn gigantesque mur de conteneurs sera démonté à la frontière avec le Mexique
Dans l’État de l’Arizona, plus de 900 conteneurs avaient été posés pour empêcher les migrants de passer. L’effet n’étant pas atteint et le gouverneur ayant fini son mandat, il doit s’en débarrasser.
C’est un mur formé de kilomètres de conteneurs, s’étirant entre les États-Unis et le Mexique, défigurant un paysage naturel magnifique, dans une région dont la biodiversité est une des plus riches d’Amérique du Nord. Au terme d’un combat judiciaire, cette barrière rudimentaire, assemblage de parallélépipèdes métalliques, va être démantelée.
En tout, pas moins de 915 conteneurs ont été empilés et mis bout à bout, comme des dominos géants, dans une vallée au cœur de la forêt nationale de Coronado, une zone fédérale protégée qui sert d’habitat à des espèces menacées, comme les ocelots et les jaguars. L’idée d’utiliser ces conteneurs maritimes en partie rouillés pour former un mur de 6,4 kilomètres émane des services du gouverneur républicain de l’État de l’Arizona, Doug Ducey.
Le projet, censé endiguer le flot de migrants traversant illégalement la frontière, a coûté au contribuable 90 millions de dollars. La nouvelle du démantèlement est tombée mercredi. Doug Ducey, qui doit quitter ses fonctions en début d’année prochaine, se retrouve donc avec l’obligation de faire le grand ménage: l’accord, conclu avec les autorités fédérales, mentionne en effet que son administration doit retirer avant le 4 janvier «les conteneurs maritimes et les équipements associés, matériels, véhicules et autres objets des terrains appartenant aux États-Unis dans la forêt nationale de Coronado».
Pour la nature
La justification avancée est «de prévenir les dommages causés aux terres et aux ressources». «La biodiversité de cette région est incomparable», confirme Russ McSpadden, du Center for Biological Diversity, une organisation de défense de l’environnement. Son association a par deux fois engagé des poursuites contre le mur de conteneurs, un combat judiciaire qui est venu s’ajouter au bras de fer entre l’État de l’Arizona et le pouvoir fédéral.
L’Arizona partage environ 600 km de frontière avec le Mexique, pays par lequel transitent, chaque mois, des milliers de migrants venus d’Amérique centrale ou des Caraïbes, en quête d’un avenir meilleur aux États-Unis. Avant 2017 et l’arrivée à la Maison-Blanche de Donald Trump, qui avait fait de l’immigration illégale un de ses principaux thèmes de campagne, la frontière dans cette région n’était pas tellement visible. Elle consistait en une simple clôture en fil de fer barbelé avec des poteaux en bois au milieu des cactus.
Passeurs futés
Ailleurs, sous Trump, furent construites de longues portions d’un mur moderne, d’environ 9 mètres de haut, mais sans relier la côte ouest au golfe du Mexique. Et la frontière reste poreuse, terrain de jeu de passeurs qui en connaissent bien les failles.
Russ McSpadden considère que le mur de Doug Ducey est un «artifice politique» destiné à le faire passer pour un responsable ferme sur le dossier de l’immigration et qui, de surcroît, pourrait se retourner contre son successeur, la démocrate Katie Hobbs, qui va se voir reprocher de «rouvrir la frontière».
Terrain accidenté, espaces franchissables
Vu sur place, le mur semble de toute façon mal conçu dès le départ: sur les portions de terrain irrégulier, les conteneurs ne peuvent pas être accolés, laissant des espaces béants par lesquels un homme n’aurait aucune difficulté à se faufiler. Et, dans une vidéo devenue virale, un homme a démontré combien il était facile d’escalader à mains nues la hauteur de 6 mètres formée par deux conteneurs superposés.
Seuls les animaux sont bloqués
Le mur de conteneurs est loin de ces zones de passage et les seuls migrants qu’il arrête sont des animaux, qui ont pourtant besoin d’aller et venir pour subsister, affirment ses détracteurs. Russ McSpadden explique avoir placé dans le coin des appareils photographiques à déclenchement automatique. «Je n’ai jamais enregistré un passage de migrants avec ces appareils isolés», dit-il, en précisant au contraire avoir eu la preuve de l’existence de jaguars ou d’ocelots.
«Nous sommes dans une vallée sauvage. Il n’y a pas de zones urbaines proches. C’est une région frontalière très difficile pour un migrant, reprend le militant. C’est pourquoi, même sous Trump, ils n’ont pas construit de mur ici.»