Bande dessinéePisse-Mémé, le livre qui provoque un urgent besoin d’amitié
Le nouvel album de Cati Baur raconte l’histoire de femmes qui montent une librairie-salon de thé. Le goût est subtil, entêtant, avec une drôle de surprise au fond de la tasse.
- par
- Michel Pralong
Quatre amies font des plans sur la comète un soir de fête. Si l’une gagne au loto, elles se mettent ensemble pour monter une librairie-salon de thé. Lorsque l’une demande une tisane pour ne pas trop abuser, le barman répond: «Pas de pisse-mémé ici». Elles ont trouvé le nom de leur futur enseigne, même si ce n’est qu’un fantasme.
Mais peu après, les jumelles de la bande héritent de leur tante Aimée, surnommée la Mal-Aimée, dans la famille. Elles vont pouvoir réaliser leur rêve. Commence alors l’épreuve de la concrétisation du projet pour parvenir à ouvrir ce lieu qui offrira également des liqueurs, de la bière bio et des cours de yoga.
L’auteure Cati Baur évite les clichés bobos pour raconter l’histoire d’amitiés, la relation entre sœurs, mais également la découverte d’un passé. C’est bien plus subtil que ce résumé peut laisser paraître et la fin réserve d’étonnantes surprises. L’une d’elles se cache dans la postface: «Je suis nulle pour me faire des ami.es et encore plus pour les garder», écrit Cati Baur. Comment dès lors raconter de si belles histoires d’amitiés?
«En soirée, je reste dans mon coin»
«Dans la vraie vie, je suis très introvertie, le terme que l’on utilise aujourd’hui pour dire timide, nous raconte celle qui est née à Genève et qui vit aujourd’hui à Montpellier. En soirée, je suis celle qui reste dans son coin, qui se tait. Je suis la petite souris, mais cela me permet d’observer et de décortiquer les relations interpersonnelles».
L’observatrice se sert donc de cette matière pour en faire des livres. «Avec «Pisse-Mémé», je voulais aborder trois thèmes. La dynamique de groupe dans une bande de copines, la création de quelque chose en commun et l’héritage, la mémoire familiale. Cette aventure permet aux jumelles de découvrir qui était vraiment leur tante Aimée, une personne dont elles ont certainement hérité les audaces sans le savoir».
Ce projet, «elle l’a laissé infuser», comme elle le dit joliment lors de la rencontre qui a eu lieu à BDFIL, à Lausanne. «Dans une autre vie, tenir un café-librairie, cela m’aurait plu, j’y aurais fait la cuisine aussi. En entendant le terme «pisse-mémé» pour désigner une tisane, je me suis dit qu’il fallait que je l’utilise. J’ai mis 5 à 6 ans depuis la première idée jusqu’à la concrétisation, sauf qu’alors j’allais m’y mettre est arrivé le Covid. Je ne pouvais plus parler de l’ouverture d’un établissement public. Sauf si l’action se déroulait avant. Maintenant, le livre sort après la pandémie, mais j’ai réussi tout de même à me servir d’une certaine manière de celle-ci».
Une héroïne venant d’un précédent album
Cati Baur a tout de la metteuse en scène de théâtre quand elle fait ses BD. «J’ai d’abord des idées de dialogues, que je regroupe en petites scènes. Puis je fais mon casting. Les jumelles ressemblent au Grand Duduche de Cabu, faciles à dessiner. Nora, c’est quelqu’un qui vient d’un milieu populaire et qui a réussi à s’imposer à force de travail. Elle a fait sa place mais est-ce celle où elle est bien? Et Marie, c’est l’héroïne de mon premier roman graphique, «Vacance», je me suis dit que son retour irait bien dans cette histoire».
Mais l’avantage en BD, c’est qu’on est également responsable des décors et des costumes. «Je cherche à trouver l’environnement le plus juste pour chacune. Marie se fournit plutôt chez Emmaüs et Ikea, tandis que Marthe et Sharon, qui sont en couple avec des enfants et gagnent bien leurs vies se meublent chez des designers. Pour chacune, je sais pertinemment dans quelles boutiques elles achètent les vêtements.»
Surtout des lectrices
Une quête d’authenticité qui contribue au réalisme du récit. «Les premiers retours sur «Pisse-Mémé» sont très positifs, alors que je n’ai jamais autant douté. En dédicaces, je vois surtout des lectrices, sans doute parce que j’écris sur des femmes. Certaines ont des étoiles dans les yeux quand elles me parlent de mes livres, c’est une magnifique récompense pour moi. Peut-être parce que je trouve des choses chez les autres qui parlent à beaucoup». C’est cela, le talent d’observatrice de la petite souris Cati Baur.