Session d’étéLa Suisse n’interdira pas les trophées de chasse
Une motion de la Vaudoise Isabelle Chevalley, qui voulait interdire l’abattage d’animaux protégés pour ramener des trophées en Suisse, n’a pas passé la rampe du Conseil des États.
- par
- Christine Talos
La Suisse n’interdira pas l’importation et le transit de trophées de chasse d’animaux comme l’addax, l’éléphant d’Afrique ou le toucan. Contre l’avis du National, le Conseil des États a refusé lundi une motion en ce sens de l’ancienne conseillère nationale Isabelle Chevalley (Vert’lib/VD).
La Vaudoise y indiquait que les animaux figurant dans les annexes I à III de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) étaient victimes d’une surexploitation et que leur chasse était une pression supplémentaire inutile. Elle expliquait que beaucoup de ces animaux provenaient de pays pauvres tentés par le gain financier que de telles chasses peuvent rapporter.
Mesures déjà prises
Mais les sénateurs n’en ont pas voulu. «Une interdiction unilatérale de commerce serait contre-productive et entraverait la gestion durable des espèces animales et végétales. Les mesures prises à l’échelon international dans le cadre de la CITES sont bien plus efficaces pour la conservation des espèces menacées qu’une interdiction unilatérale de la part de la Suisse», a rappelé Benedikt Würth (Centre/SG), au nom de la commission. Et il a souligné que Berne s’engage très activement au sein de cette convention.
Pour Matthias Michel (PLR/ZG), «on ne doit pas discuter de ce qui est moralement bien ou mal dans cette chasse». Il a mis en avant une récente argumentation du WWF Suisse envoyée aux sénateurs dans laquelle l’ONG (contre l’avis de 50 autres organisations de défense des animaux) estimait que les revenus générés par cette chasse étaient très importants pour la population locale. «Si elle perd ce revenu, le braconnage augmentera pour compenser cette perte», avait prévenu le WWF.
«Qui veut d’une corne de rhinocéros dans son salon?»
Une minorité de gauche a rappelé que 3100 trophées ont été ramenés chez nous entre 2010 et 2019. «Nous parlons de chasse pour des trophées, pas de chasse éthique comme le connaît la Suisse», a en outre lancé la Verte bâloise Maya Graf. Elle a souligné que tirer un éléphant coûtait près de 60’000 francs. «Mais cet argent ne va pas dans la poche de la population, il part dans celles des braconniers ou de ceux qui organisent ces chasses», a-t-elle rappelé.
Elle a reçu le soutien d’Olivier Français (PLR/VD). «Accepter l’importation de tels trophées, c’est participer à la destruction de cette faune», a-t-il argumenté. La population locale n’est en outre aucunement aidée, a-t-il expliqué, en balayant les recommandations du WWF et en mettant en doute l’efficacité de la CITES. «Il peut toutefois se passer plusieurs années entre une décision visant à protéger certaines espèces et son application», a-t-il indiqué. Et de conclure: «Et qui veut d’une corne de rhinocéros dans son salon?»
Le Conseil fédéral rejetait également la motion. «Une réponse consiste à dire que, quand on n’arrive pas à maîtriser quelque chose, on l’interdit. Mais nous avons choisi un chemin différent qui est de nous engager fortement dans le cadre de la CITES», a rappelé Alain Berset. Selon lui, la Suisse veut veiller à ce que le commerce international ne menace pas la survie des espèces. «Il n’est donc pas question de l’interdire, mais d’essayer de le réguler et de le contrôler.»