FranceProcès de Dino Scala, accusé de viols et agressions sexuelles sur 56 femmes
Environ la moitié des victimes sont absentes, trente ans parfois après leurs plaintes.
Elles ne «veulent plus revivre ces faits», «recroiser l’agresseur»: au procès de Dino Scala, jugé en France pour viols et agressions sexuelles sur 56 femmes, environ la moitié des victimes sont absentes, trente ans parfois après leurs plaintes. Jugé du 10 juin au 1er juillet, Dino Scala, 61 ans, est surnommé le «violeur de la Sambre», du nom d’une rivière traversant la frontière franco-belge autour de laquelle il aurait commis ses crimes, de 1988 à 2018.
Beaucoup d’absentes
«J’avais tout fait pour oublier. Je ne voulais pas assister à ces débats, ni lire la procédure», soupire Gwenaëlle (tous les prénoms ont été modifiés), 55 ans, nerveuse face à la cour d’assises à Douai, dans le nord de la France. Au procès, certaines victimes «sont prêtes à le boxer quand d’autres restent terrifiées, comme si ça c’était passé hier», observe l’avocat de deux d’entre elles, Me Emmanuel Riglaire.
Parmi les femmes ayant déposé plainte, sept ne se sont pas constituées partie civile. Seize autres ont indiqué au greffe qu’elles «ne viendront pas ou ne s’exprimeront pas», et quatre n’ont pas donné de nouvelles. Trois sont décédées. Si quelques-unes sont malades ou âgées, la plupart «ne viennent pas parce que ce serait trop difficile à supporter», estime un autre avocat, Me Jean-Yves Houzeau. «Elles ne veulent pas revivre certaines choses», une énième fois, ou «faire face à cet agresseur, à sa froideur».
«On cuisine les victimes»
Face à un Dino Scala qui conteste une partie des faits, n’affiche des émotions que quand il parle de lui, certaines «craignaient surtout de l’entendre nier, édulcorer, minimiser, et peut-être un peu se victimiser», explique encore Me Houzeau. «C’était très longtemps tabou de parler de viol, d’agression sexuelle, et du retentissement que ça pouvait générer», note Fanny Bruyerre, avocate de neuf femmes. Certaines ont «caché ça toute leur vie, même à leur famille». Difficile dès lors «d’affronter cette enceinte, le public, la présence de journalistes».
Affronter la cour d’assises, «c’est aussi affronter les questions, notamment de la défense. Littéralement, on cuisine les victimes», souligne Me Bruyerre. Première à témoigner, une femme de 75 ans, longuement interrogée sur les «contradictions» entre sa première déposition et son dernier témoignage, a quitté la salle en larmes, disant se sentir «accusée».
Victimes malmenées
Enfin, il y a celles qui en déposant plainte «ont été un peu malmenées», «à une époque où on n’accordait pas forcément autant de crédit à la parole des victimes», analyse l’avocate. «Les policiers ne m’ont pas crue, jusqu’à ce que je sois emmenée pour des examens médicaux», a témoigné Marine, violée à 15 ans en 1996. Christelle, montrant les stigmates de sa strangulation au commissariat, s’était elle entendue demander: «Vous ne vous êtes pas fait ça toute seule?»
«Oui, c’est honteux (...) Quand avec mon groupe on a repris les investigations, et lu certaines plaintes, on s’est dit: pauvre gamine», a répondu le commandant Franck Martins, lui présentant ses «excuses, au nom de l’institution".
Parmi les nombreuses plaintes évoquées par la police judiciaire dans ses synthèses, certaines n’ont pas été retenues par le juge d’instruction. Pourtant, 14 «auraient pu être attribuées à Dino Scala», a estimé l’avocate générale. Pour ces absentes malgré elles, le parquet n’exclut pas de relancer les investigations.