ProcèsProf vaudois et abus sur mineurs: «Ses plates excuses, il peut se les garder»
L’enseignant vaudois, accusé d’avoir attenté à l’intégrité sexuelle de sept enfants et d’un adulte, a admis partiellement ses actes devant le Tribunal correctionnel d’Yverdon.
- par
- Evelyne Emeri
«Ben voilà». «Je ne sais pas». «Admis». «Contesté». Jacques*, 30 ans désormais, n’aide pas beaucoup la Cour et encore moins les familles plaignantes (ndlr. 4 parties civiles seulement sur 8 cas répertoriés) depuis ce lundi à Yverdon. Le trentenaire n’est pas très bavard, difficile à entendre. Il admet, partiellement. Ou alors conteste catégoriquement. À l’écouter parler de lui, en particulier de son suivi psychologique en prison qui «l’aide à comprendre» pourquoi il a agi de la sorte et «à se soigner», il sera bientôt la victime et non plus le prévenu dans cette petite salle bondée. «Il faut que j’accepte ce que j’ai fait et ce que je suis», lâchera-t-il devant une assistance médusée. Sur le risque de récidive: «Je pallie cela grâce à ma thérapie».
«Des chatouilles»
Sept mineurs de sexe masculin et féminin, âgés entre 8 et 17 ans, et un adulte l’accablent de faits similaires, survenus entre 2016 et 2021 dans le Gros-de-Vaud, à Morges et à La Chaux-de-Fonds (NE): des abus et des attouchements, tous à caractère sexuel. Les caresses sur les cuisses de l’une de ses jeunes élèves (8-12 ans), «c’étaient des chatouilles». Les photos souhaitées? «Je voulais voir sa tache de naissance sur son doigt». Quant au cliché en maillot de bain qu’il rogne pour ne garder que les parties intimes? «Je ne vais pas le nier».
Concernant l’unique proie adulte, conjoint d’une amie d’enfance et vulnérable (abus dans l’enfance, burn-out et difficultés conjugales), le Vaudois d’origine colombienne affirme sans ambages: «Il était toujours consentant, on avait rendez-vous pour des activités sexuelles». Là encore, des photos et des échanges de photos de sexe. Jacques conteste avoir contraint cet homme en le faisant chanter.
52 leçons, 52 abus
Pour un autre mineur (11-12 ans) auquel il dispensait des cours particuliers au logement familial, Jacques ne nie pas avoir eu des gestes à caractère sexuel. À chaque leçon, soit 52, «de manière évolutive» pour finir par lui caresser et lui toucher, à même la peau, le ventre et le sexe. «Je lui ai effectivement demandé de ne rien dire», ajoute l’accusé. Lui a-t-il proposé de faire l’amour? «Je ne me souviens pas», déclare-t-il face aux parents de l’enfant. De se déshabiller? «Oui, je ne me rendais pas compte, ce sont des agissements graves. La maman de la petite victime retient difficilement ses larmes. Un couple et une cible innocente qui attendent que «justice soit faite et que l’on sache que c’est un pédophile».
«Je regrette énormément, ce sont des gens bien, c’est quelque chose de violent», dit Jacques, celui qui a lui-même subi des abus dans son enfance. «Quand il y a un problème, on se demande toujours si c’est à cause de ce prédateur. Je ressens du rejet, de la trahison, je l’ai accueilli chez moi en toute confiance», raconte le papa. Son épouse d’abonder: «A chaque réaction, l’on s’interroge si c’est une conséquence. Il y a clairement un avant et un après. C’est un combat sur plusieurs années. Notre fils est toujours aussi craintif. Il veut savoir s’il est en prison, où il habite, ça le crispe pas mal. C’est très dur à porter. Ses plates excuses, il peut se les garder».
«Je le trouvais sympa»
Il y a encore cet ado (16 ans) que le prévenu revoit lors d’un apéro entre anciens profs et anciens élèves. Il réfute l’avoir fait boire jusqu’à ce qu’il se jette au lac tout habillé et qu’il se dévête. Il concède par contre lui avoir demandé la taille de son organe: «Ce n’était rien de sexuel, je n’avais aucune envie, réplique Jacques, C’était un jeu avec les autres, ce n’est pas moi». Et le procureur Johann Baruchet de lui servir: «Avez-vous vu la vidéo où vous hurlez: «Montre-nous que tu es un homme!» Réponse: «C’est possible que je l’ai dit». Et cet autre garçon (16 ans), aussi un ex-élève, avec lequel il a échangé des messages qui ne laissent la place à aucun doute. «J’admets les échanges et leur caractère sexuel, je le trouvais sympa. Ça n’a pas été plus loin», se défend l’abuseur présumé.
WhatsApp et friandises
Toujours avec une ancienne élève (13 ans), Jacques a tchatté sur WhatsApp (WA). Il y a non seulement tenu des propos salaces, mais lui a proposé une relation sexuelle ou, à défaut, des préliminaires. Ce qu’il ne conteste pas: «J’ai un problème. Le but, c’est de comprendre pourquoi et de me soigner. Et si elle avait accepté? «Je ne l’aurais pas fait.» Alors pourquoi lui avoir amené des friandises jusqu’à son école? «Ce n’était pas que pour ça», murmure le trentenaire. Il s’en est encore pris à une énième gamine (12-13 ans), rencontrée à l’UAPE (Unité d’accueil pour écoliers). Il a conversé assidûment sur messagerie avec elle en des termes parfaitement déplacés. Et lui a aussi demandé des photos, notamment de son vagin. Il admet.
Les actes sur sa dernière proie (10 ans) remonte à août 2021. C’est le seul cas qu’il conteste avec force. Jacques prétend qu’elle a menti: «Ben oui. Je sais ce que j’ai fait avec les autres. Avec elle, il ne s’est jamais rien passé, je n’avais pas de feeling particulier. Je donnais des cours à son frère». Un soir, les parents acceptent que leurs enfants, l’aîné et sa cadette, aillent dormir chez lui. «Elle était à côté de moi dans mon canapé-lit. À la base, elle devait dormir avec son frère sur un matelas gonflable, précise le prévenu, J’ignore si elle a voulu se venger.» Se venger de quoi? «De l’attention que je ne lui portais pas.» La justification est difficile à entendre pour les parents.
Confidences par vocal
Le père: «J’ai tout de suite senti qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas avec lui, trop tard maintenant. On a accepté qu’ils dorment chez lui parce que l’on ne veut pas voir le mal partout. Nous n’avons rien constaté de spécial en les récupérant le lendemain». La fillette ne parlera que quelques mois plus tard. Son frère est convoqué par la police qui enquête sur Jacques. «J’ai parlé aux enfants après, notre fille n’a rien dit. Je suis sortie au restaurant et j’ai reçu un vocal de sa part», explique la maman effondrée en salle d’audience. Un vocal qui disait: «Il a essayé de me toucher les parties intimes, je ne voulais pas parler devant mon frère». C’est son doudou qu’elle a placé dans son entrejambe qui réussira à la protéger. «Pourquoi elle inventerait? Qu’il avoue. Il me dégoûte», termine la mère de famille
Infractions retenues
Le détenu répond d’actes d’ordre sexuel avec des enfants (+ tentative), de contrainte sexuelle (+ tentative), de contrainte et de pornographie (+ tentative). Les médecins psychiatres qui l’ont expertisé estiment le risque de récidive de moyen à élevé. Le procès se poursuit.
*Prénom d’emprunt