Soignants en Suisse: la majorité subit le harcèlement sexuel des patients

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Soignants en SuisseUne grande majorité subit le harcèlement sexuel des patients

Une récente étude montre que 96,6% du personnel des hôpitaux subit constamment des abus de la part des patients. Et s’en défendre est souvent difficile…

Les agressions sexuelles sur le lieu de travail sont le lot de presque la totalité des soignants. (Image d’illustration)

Les agressions sexuelles sur le lieu de travail sont le lot de presque la totalité des soignants. (Image d’illustration)

20Min/Jacqueline Straub

Lors d’une journée découverte dans les soins, à l’âge de 14 ans, Milena Bruschini a vécu un premier abus – de la part d’un homme âgé en fauteuil roulant qui a tenté de l’embrasser. Elle l’a repoussé et s’est enfuie. Sa référente du jour avait alors tempéré la portée de l’acte abusif en lui disant que le résident ne voulait «qu’exprimer sa gratitude. Et qu’il n’était souvent pas conscient que cela ne se faisait pas». De telles explications sont souvent entendues lors de harcèlement sexuel dans le secteur des soins, rapporte la «SonntagsZeitung».

Milena Bruschini l’a compris bien des années plus tard. Entretemps, elle est devenue soignante diplômée et collaboratrice scientifique à la Haute école zurichoise des sciences appliquées ZHAW à Zurich. Elle a réalisé un travail de master pour mesurer l’ampleur du phénomène auprès des soignantes et soignants âgés de 18 à 58 ans, avec des résultats effarants: 96,6% (!) des participantes et participants à son étude ont été victimes de tels abus dans les 12 mois avant son enquête. «La majorité des sondés travaillent dans les soins aigus. La plupart des patients et patientes n’y ont pas de limitations cognitives. (…) Mais nous sommes tellement souvent harcelés par des patients que beaucoup d’entre nous ne le ressentent même plus comme abusif ou l’acceptent tout simplement», commente-t-elle dans le journal zurichois.

Questions plus directes

Les résultats chiffrés de l’enquête sont plus élevés que ceux d’enquêtes précédentes. L’auteure l’explique par le fait que les médecins n’ont pas été inclus, car ils et elles sont moins souvent victimes de harcèlement de la part des patients. Et parce qu’au lieu de questions générales, elle a posé des questions concrètes, parlantes. Par exemple: quelqu’un vous a-t-il fait un compliment d’ordre sexuel? Ou: «Vous a-t-on touché d’une manière que vous n’avez pas ressentie comme adéquate?».

Dilemme des soignants

Pour Pierre-André Wagner, avocat, infirmier diplômé et responsable du service juridique de l’Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI), «le chiffre effroyablement élevé de l’enquête montre bien que le problème est endémique». Et cela alors que lorsqu’il discute avec les personnes concernées par le harcèlement sexuel, il sent beaucoup d’incertitude. Les soignants se demandent si un contact n’était pas accidentel, ou si le patient voulait vraiment regarder son décolleté, toucher une fesse, etc., note-t-il.

Tolérance zéro

Milena Bruschini déplore encore que le personnel soignant plus âgé banalise parfois les actes abusifs. «Quand des collègues plus âgés disent des choses comme 'Le patient t’a touché les fesses? Ne t’en fais pas, cela m’est déjà arrivé cent fois', c’est dévastateur, surtout pour les débutantes. Ce qui est déterminant, ce n’est pas l’intention, mais la manière dont le comportement est perçu par la personne concernée. C’est pourquoi je pense qu’une tolérance zéro est si importante», conclut-elle.

Propos déplacés et agressions physiques

L’enquête a encore montré que les personnes plus jeunes travaillant dans les soins étaient plus souvent concernées que leurs collègues plus âgés. Ils et elles subissent ainsi plus souvent des propos déplacés, puis du harcèlement non verbal et des regards lubriques. Et plus de deux tiers des personnes interrogées ont subi des agressions physiques. Un quart d’entre elles ont été embrassées de manière désagréable au moins une fois au cours de l’année.

Parmi les autres résultats du travail de Milena Bruschini:

  • 2,4 personnes sur 100 ont déclaré recevoir presque quotidiennement des compliments à connotation sexuelle.

  • 93% des participantes et participants ont subi du harcèlement oral.

  • ¼ des personnes interrogées ont été embrassées de manière désagréable au moins une fois au cours de l’année précédant l’enquête.

Victime ou témoin d’une agression sexuelle?

(ewe)

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