Neuchâtel: «Il a dormi dans l’orgue avec une bougie!»

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Neuchâtel«Il a dormi dans l’orgue avec une bougie!»

L’organiste Simon Peguiron a découvert mardi matin les dégâts commis par un désœuvré, dans un instrument historique.

Vincent Donzé
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Vincent Donzé

C’est une chance dans un malheur, le désœuvré qui a gravement endommagé un orgue de 1870 fraîchement restauré à la collégiale de Neuchâtel aurait pu commettre bien davantage de dégâts: «Il a dormi dans l’orgue avec une bougie!» constate l’organiste de 42 ans, Simon Peguiron.

À la collégiale, deux orgues se font face. Le plus petit possède 27 jeux, répartis sur deux claviers de 54 touches et un pédalier de 27 touches, pour un total d’environ 1600 tuyaux. Il est celui qui a la plus grande valeur, non pas musicale mais historique. L’orgue Walcker est accessible par un escalier en colimaçon de 19 marches. C’est là qu’un illuminé s’est logé une nuit ou deux, à l’insu des personnes en charge de la sécurité du site. L’organiste suppléant a remarqué sa présence mardi matin.

Des fleurs

En se déplaçant avec des fleurs à l’intérieur de l’orgue, le désœuvré a marché sur de précieuses tiges en bois intégrées au mécanisme. Il en a aussi abîmé au plafond, tout aussi involontairement, peut-être en se tenant en équilibre, en baissant la tête, mais en tous les cas en cassant des ressorts. Jeudi, deux feuilles de rose et de la suie rouge étaient visibles à l’intérieur de l’instrument.

La première pensée venue à l’esprit de Simon Peguiron est allée au patrimoine: «Je me suis demandé si ce qui était abîmé était réparable. Toute la substance d’un orgue historique n’est pas remplaçable, c’est un témoin historique, un bien culturel», dit-il.

Facteur d’orgue

Réparer les baguettes de bois flanquées de tiges en métal, ce n’est le travail ni d’un menuisier, ni d’un ébéniste, mais d’un facteur d’orgue. «La réparation implique un travail minutieux, extrêmement spécialisé, pire que la construction d’un orgue», poursuit Simon Peguiron.

Ce travail a été confié au facteur d’orgue français Pascal Quoirin, impliqué dans la restauration de la collégiale de Neuchâtel avant d’être engagé à Paris dans celle de Notre-Dame. Le mandat a été accepté, reste à trouver le temps de l’exécuter.

Des concerts

Pour l’organiste Simon Peguiron, il s’agira de modifier le calendrier saisonnier des concerts, dans une collégiale inaugurée cette année, après 18 ans de travaux de rénovation facturés 26 millions de francs. Pour les cultes de l’Église réformée, il jouera sur le grand orgue, comme toujours, cet instrument plus complet étant plus proche du pasteur des paroissiens.

Le grand instrument possède quatre claviers, contre deux pour l’instrument abîmé. Leur place a été inversée pendant la rénovation de la collégiale. «Ces différents registres font le caractère des instruments», précise l’organiste. La sonorité de l’orgue endommagé sied aux œuvres romantiques allemandes.

Situation irrégulière

Le procureur de permanence, Marc Remy, impute les dommages estimés à quelques dizaines de milliers de francs à «une personne en situation irrégulière en Suisse semblant rencontrer d’importantes difficultés psychiques».

Au vu des premiers éléments recueillis, ces déprédations «n’ont pas été commises avec une intention de nuire ni même des motivations politiques ou religieuses», mais seraient «davantage liées à la situation psychique et personnelle de l’individu».

Une instruction pénale a été ouverte, pour dommages à la propriété aggravés. Le procureur requiert une détention provisoire auprès du tribunal des mesures de contrainte.

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