FootballAnalyse: Granit Xhaka a trouvé sa plénitude à Arsenal
Le milieu de terrain bâlois réalise le meilleur début de saison de sa carrière, conséquence d’une utilisation optimisée. Décryptage avant la réception de Liverpool ce dimanche (17h30).
- par
- Brice Cheneval
Ce ne sont que quelques mots, sans profondeur sémantique. Mais le contexte qui les enveloppe leur octroie un écho particulier. Semaine après semaine, les supporters d’Arsenal chantent de plus en plus fort leur amour envers Granit Xhaka à travers un chant somme toute basique: «Granit Xhaka, we’ve got!» («Nous avons Granit Xhaka»). La démarche raconte une réconciliation.
Pris en grippe par le public et tout proche du départ fin 2019, le milieu suisse a complètement retourné la situation. Alors que le point de non-retour semblait atteint, les deux parties marchent désormais main dans la main et le club londonien ne manque jamais d’afficher les marques d’affection respectives. «Je suis très heureux pour lui car, à mon avis, il le mérite vraiment», saluait son entraîneur, Mikel Arteta, à l’issue de la victoire à Brentford il y a trois semaines (3-0).
Granit Xhaka à Arsenal, c’est l’histoire d’une rédemption. Dans les cœurs et dans le jeu. S’il n’en serait évidemment pas là sans sa persévérance, encore fallait-il assurer sur le terrain. Et à ce titre, cette saison marque un tournant.
Malgré la confiance de tous ses entraîneurs, d’Arsène Wenger à Arteta en passant par Unai Emery, sa présence parmi les titulaires a longtemps été contestée, à la fois par les fans et une bonne partie des observateurs britanniques. Son rôle de plaque tournante de l’entrejeu n’était pas toujours compris, car limité aux deux premiers tiers du terrain, et surtout éclipsé par ses lacunes en matière de discipline et de vitesse. Changement de décor depuis début août: le Bâlois évolue plus haut. Ce qui implique d’autres responsabilités, dont il s'accommode à merveille.
La clé Zinchenko
Sur le papier, Arsenal se déploie en 4-2-3-1. Dans les faits, ce schéma est surtout appliqué en phase défensive. Xhaka se place alors au côté de Thomas Partey et s’applique à fermer les espaces.
C’est avec ballon que l’animation devient intéressante. Les Gunners passent en 2-3-5, sorte de pyramide inversée où le capitaine de la Nati se positionne dans le demi-espace gauche, à hauteur des attaquants, pendant que le latéral se recentre.
L’arrivée de Partey en 2020, qui l’a libéré du poste de sentinelle, constituait les prémices de cette évolution. Celle-ci s’est accélérée à l’intersaison avec le recrutement d’Oleksandr Zinchenko. Le polyvalent Ukrainien, milieu offensif reconverti latéral par Pep Guardiola à Manchester City, occupe indifféremment les deux positions. Sa présence permet ainsi à Xhaka de grimper d’un cran.
Et cela se ressent: en huit matches de Premier League, il compte déjà deux buts (le dernier en date contre le rival honni Tottenham, confortant son retour en grâce auprès des fans) et trois passes décisives. Jamais, dans sa carrière, il n’avait réalisé un début de championnat à ce point impactant statistiquement. Ses performances lui ont valu d’être élu meilleur joueur d’Arsenal pour le mois de septembre. Xhaka récolte davantage de louanges parce qu’il est plus visible.
Un apport structurel et technique
Son repositionnement apporte plusieurs bénéfices. Un avantage structurel, tout d’abord: en densifiant leur ligne offensive, les Gunners forcent le recul du bloc adverse et imposent leur domination territoriale. En atteste leur possession de balle, en nette hausse par rapport à l’exercice précédent (59,17% de moyenne contre 53,09%). Le premier pressing s’en retrouve, du même coup, facilité. Là aussi, Arsenal fait mieux: au PPDA (passes adverses permises par action défensive dans le camp adverse), il est passé de 11,65 à 8,34 et fait actuellement partie des formations les plus étouffantes de Premier League.
D’autre part, l’apport de Granit Xhaka dans le dernier tiers est technique. L’ancien joueur de Bâle et du Borussia Mönchengladbach n’est pas dribbleur et n’excelle pas non plus dans les petits espaces. En revanche, il possède une bonne vision du jeu, ainsi qu’une belle qualité de passe, et il voit loin. Utile pour débloquer les situations sur attaque placée. Comme à Brentford, où sa délicieuse ouverture par-dessus la défense a placé Gabriel Jesus dans un fauteuil pour inscrire le deuxième but. «Je suis très heureux de jouer avec lui. Il est intelligent et c’est un joueur de qualité», avait réagi l’international brésilien.
Jusqu’à présent, le No 34 faisait surtout étalage de sa précision dans le jeu long, de par sa position reculée. Cette saison, il prouve qu’il peut également se montrer percutant dans le jeu court. À titre indicatif, il effectue - toujours en moyenne par match - 3,77 actions menant à un tir, une marque bien supérieure à celles de 2021-2022 (3,06) et 2020-2021 (1,43). Pas étonnant, dès lors, qu’il soit plus décisif.
Rayonnement accru
Sa plus-value se mesure aussi à travers ses déplacements sans ballon. Xhaka sait créer des différences pour les autres. Son placement dans le demi-espace gauche représente un casse-tête pour l’arrière-garde adverse car cela requiert la vigilance d’un à deux défenseur(s), ce qui ouvre des espaces dont profitent ses partenaires.
Ceci dit, le Bâlois ne s’est pas soudainement mué en attaquant de soutien. Son rayonnement s’est juste accru. «L’entraîneur et mes coéquipiers me laissent plus de liberté pour monter et descendre», confirmait-il mi-août, après un succès à domicile devant Leicester (4-2). En plus de ses tâches défensives, il continue de redescendre afin d’aider à la relance et participer à la construction. Il jouit ainsi d’une place centrale au sein des circuits de passe, notamment les triangles formés par le 2-3-5.
Granit Xhaka est, en fait, utilisé comme le milieu que voyait en lui Arsène Wenger. «Je le préfère en tant que joueur box-to-box, annonçait le technicien français en 2016. Parce qu’il a la caisse, la puissance, le jeu long, il aime venir en profondeur et distribuer le jeu. Il peut impacter par ses courses.»
Il aura fallu attendre sept ans pour que le projet aboutisse. Et ce grâce aux idées de Mikel Arteta. Ce dernier a convaincu l’international suisse de rester au plus fort de la tempête et n’a cessé de lui maintenir sa confiance, en dépit de la fronde populaire. Puis, conforté par des dirigeants patients et convaincus du chemin emprunté, il a patiemment modelé l’effectif de manière à lui offrir un environnement favorable à l’expression totale de ses qualités.
Si bien qu’à 30 printemps, Granit Xhaka semble avoir trouvé sa plénitude. Il est d’ailleurs le premier à reconnaître ce qu’il doit à son entraîneur. «Je savoure chaque jour passé avec lui sur le terrain. Je suis fier de pouvoir apprendre de quelqu'un comme lui», a-t-il glissé à l’agence Keystone-ATS.
Les supporters n’ont pas fini de chanter à sa gloire.