Incendie en Irak: «Il n’y a pas de sentiment possible, on est tous morts»

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Incendie en Irak«Il n’y a pas de sentiment possible, on est tous morts»

En Irak, un jour après l’incendie qui a fait une centaine de morts à un mariage, les premières victimes ont été enterrées. Tous les survivants confirment que le feu s’est propagé à une vitesse terrible.

Un portrait du Christ domine la foule qui s’écarte pour faire passer un à un les cercueils: mercredi, dans une petite ville du nord de l’Irak, des centaines de personnes ont enterré les victimes de l’incendie qui a endeuillé, la veille, la célébration d’un mariage. Au cimetière de Qaraqosh, bourgade chrétienne connue sous le nom de Hamdaniyah, la foule compacte s’agglutine autour du clergé des différentes Églises irakiennes, égrenant prières en langue syriaque et sermons en arabe. Certains fidèles brandissent des portraits d’un proche décédé.

Mardi soir, ces morts qu’on enterre étaient rassemblés dans une élégante salle des fêtes, invités à un mariage, quand les flammes ont ravagé la salle de réception, tuant environ 100 personnes et en blessant 150 autres.

Submergée par l’émotion, une femme se couche sur un cercueil.

Submergée par l’émotion, une femme se couche sur un cercueil.

AFP

Les décorations ont très vite pris feu

Tous les témoignages s’accordent à le dire, l’incendie s’est propagé à une vitesse ahurissante. Sur les réseaux sociaux, des vidéos reprises par des médias irakiens montrent des engins pyrotechniques projeter haut des étincelles, mettant le feu aux fanfreluches ornant le plafond.

Un à un, une vingtaine de cercueils, parfois couverts d’un tissu de satin ou de gerbes de fleurs, fendent la foule, portée sur les épaules des hommes. Ils sont suivis par des femmes en larmes, toutes de noir vêtues, tenant à peine sur leurs jambes et ne pouvant avancer qu’en étant soutenues de chaque côté.

Samira, femme au foyer de 53 ans, est venue enterrer quinze membres de sa famille. «Du père au plus jeune enfant, âgé de 4 ans», lâche-t-elle d’un ton résigné. «On a encore un homme et ses jumelles à enterrer. Ils sont morts, mais nous n’avons pas récupéré les corps.» D’autres enterrements sont prévus dans les jours à venir.

Elle s’interrompt, prend une profonde inspiration. «Ça suffit, je ne peux plus parler.» Mais elle poursuit quand même. «Il n’y a pas de sentiment possible, on est tous morts. Il n’y a pas une personne à Qaraqosh qui ne soit pas morte», lâche la quinquagénaire, sans se départir de son calme. «Il n’y a pas une personne qui n’a pas perdu quelqu’un de sa famille ou un ami.»

Panneaux en préfabriqué pointés du doigt

À l’unisson, la foule, qui a envahi le cimetière, entonne un «Notre père», suivi d’un «Je vous salue Marie», avant d’enchaîner sur des chants liturgiques. Devant les caveaux familiaux rangés le long d’allées proprettes, hommes et femmes pleurent à chaudes larmes et laissent échapper des plaintes rauques. Une Irakienne s’agenouille pour embrasser le portrait d’une de ses proches.

«Il n’y a pas une personne qui n’a pas perdu quelqu’un de sa famille ou un ami.»

Samira

La défense civile a dénoncé l’utilisation, dans la salle de réception, de panneaux en préfabriqué «hautement inflammables et contrevenant aux normes de sécurité». Ils ont immédiatement pris feu au contact de «feux d’artifice» d’intérieur. Les invités, en panique, se sont retrouvés pris dans une bousculade et n’ont pas pu s’échapper à temps du bâtiment, doté d’un nombre insuffisant de sorties de secours, selon la même source.

«De cette porte, j’ai sorti des corps»

«Pendant que les mariés dansaient, les gerbes d’étincelles ont été activées», témoigne Ronak Sabih, un survivant de 41 ans. «Il y avait des décorations en plumes au plafond, elles ont pris feu. Les flammes étaient terribles», raconte l’homme revenu inspecter, plus tôt mercredi, la carcasse calcinée de la salle de réception.

«Ma famille s’est retrouvée à terre, j’ai commencé à les tirer, il y avait du monde par-dessus nous, on a commencé à crier», lâche-t-il dans un souffle. «On a contacté les pompiers, on a appelé tout le monde», se souvient-il. «De cette porte, j’ai sorti des corps, je les ai portés dans mes bras, on les a enroulés dans des couvertures pour les emmener à l’hôpital.»

(AFP)

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