BasketballÀ Union Neuchâtel, le vrai leader s’appelle Bryan Colon
Dans l’ombre de Selim Fofana, le meneur d’origine dominicaine réalise une belle saison et s’est mué en capitaine gestionnaire. Grâce à lui, Union Neuchâtel entrevoit la finale des play-off.
- par
- Brice Cheneval
Après la victoire à l’arraché d’Union Neuchâtel contre Massagno samedi soir (71-69), dans l’acte III des demi-finales de play-off, un nom s’imposait dans toutes les bouches: Selim Fofana. Le grand espoir du basket suisse, déjà international à 22 ans, est auréolé d’une flatteuse réputation depuis que son nom a été lié - certes brièvement - à la draft NBA 2020, et il enchante la Riveraine cette saison.
Ce week-end, il a alimenté la «hype» autour de lui en offrant la victoire aux Unionistes. Littéralement, puisqu’il a conclu sa jolie prestation d’ensemble (21 points et 5 passes à 60% au tir et 50% à trois points) en inscrivant le panier de la gagne à une seconde de la fin, en solitaire, au moment où les deux équipes se trouvaient à égalité. Grâce à lui, celle de Mitar Trivunovic prend les commandes de sa série (2-1), en attendant l’acte IV ce mardi soir (19h30), et se trouve à un succès de la finale.
Bryan Colon, de son côté, a bouclé la rencontre plus discrètement (6 points, 5 rebonds, 3 passes). Mais qu’on ne s’y trompe pas: si Fofana est incontestablement le meilleur joueur de Neuchâtel, le meneur de 30 ans en est pour l’instant le guide dans ces play-off. Brillant en saison régulière, le premier connaît une réussite plus fluctuante depuis trois semaines. Colon, lui, a conservé un niveau de performance stable. En moyenne, il tourne à 16,7 points, 4,6 rebonds, 3,3 passes et 15,6 d’évaluation. «Il montre que c’est un leader et qu’on peut compter sur lui, rend hommage Fofana. C’est le pilier de l’équipe.» Randoald Dessarzin, son entraîneur à Lausanne entre 2013 et 2015, va plus loin: «Sans lui, Union ne serait même pas passé contre Nyon (ndlr: au tour précédent)».
Sa dernière sortie où, diminué par une blessure à la cheville, il n’était pas en mesure de rendre sa production habituelle, montre sa capacité d’adaptation. «Je savais que je n’allais pas mettre 20 pions, comme lors des autres matches, et comme Selim était en forme, je lui ai donné le ballon et me suis mis en retrait», commente-t-il sobrement. Tout en ajoutant: «Je n’en aurais peut-être pas été capable avant.»
De scoreur à meneur
Bryan Colon a bien changé. Le scoreur un brin soliste s’est mué en meneur gestionnaire. Ses coups de chaud servent désormais l’intérêt du collectif et non plus sa fiche de statistiques. Il porte la responsabilité de dicter le jeu de son équipe: sélectionner les choix de tirs, servir le bon partenaire, exploiter les espaces, contrôler le tempo… Bref, effectuer les bons choix afin de faire fructifier chaque possession. Une quête de l’efficacité qu’il mène de mieux en mieux. Le principal intéressé l’avoue lui-même: «Avant, je forçais quand mes tirs ne rentraient pas. Maintenant, je sais m’effacer, défendre fort et prendre ce qu’on me donne. Et je prends autant de plaisir à faire une bonne passe qu’à marquer deux points.»
Entre-temps, il a aussi hérité du statut de capitaine, ce qui a renforcé son poids au sein du groupe. Mitar Trivunovic se réjouit de cette évolution, qu’il a longtemps souhaitée. «Il a mûri, constate le technicien serbe. Il a compris ce que j’attendais de lui. Tout le monde sait qu'il est capable de marquer des points, mais je voulais qu’il devienne un leader. Il a beaucoup progressé, il réalise une saison fantastique.»
Randoald Dessarzin observe également que son ancien protégé n’a plus grand-chose à voir avec celui qu’il a dirigé: «J’étais convaincu qu’il prendrait une grande dimension, mais je ne m’attendais pas à ce qu’il se développe à la mène. Il a pris le meilleur de chaque coach, c’est une preuve d’intelligence.»
«Comme il était plus focalisé sur le scoring les années précédentes, les gens doutaient de sa capacité à passer le ballon. Je suis très content qu’il prouve aujourd’hui qu’il peut le faire», poursuit Selim Fofana.
Le joueur d’origine dominicaine, formé en Suisse, dit avoir eu un déclic à la naissance de sa fille, il y a plus d’un an et demi: «Je vois la vie différemment. Avant, je vivais au jour le jour, j’y allais au talent sans me poser trop de questions. Je déconnais tout le temps, et quand il fallait parler dans le vestiaire je laissais les autres s’en occuper. Mon jeu était centré sur moi. Je ne pouvais pas me permettre de continuer sur cette voie. Je me suis mis à beaucoup lire, ça m’a ouvert les yeux. Tu peux être le plus talentueux, si tu ne travailles pas, tu le paies à un moment.»
Bryan Colon a trouvé son équilibre, personnel et professionnel. Dans cet Union Neuchâtel, il accepte volontiers de laisser la lumière à Selim Fofana qui, d’ailleurs, est conscient de ce qu’il doit à son coéquipier: «Sans lui, je n’évoluerais pas à ce niveau-là cette saison.» Colon s'accommode d’autant plus de son rôle qu’il compare le groupe actuel à une «famille». «Il n’y a pas de mauvaise tête, dit-il. Pour être bon, j’ai besoin que ça se passe bien autour de moi. C’est très important. C’est aussi pour cela que je me sens aussi bien. Je suis épanoui.»
Si les Unionistes se qualifient en finale, ce qui serait une première depuis six ans, Fofana pourrait récolter une bonne partie des lauriers. Bryan Colon n’en prendrait probablement pas ombrage, mais il en mériterait tout autant.