Diplomatie et commerceAprès trois ans de Covid, l’UE veut se reconnecter avec la Chine
Commerce et Ukraine seront au menu de la visite, à Pékin, d’Ursula von der Leyen et Emmanuel Macron, dès mercredi. Bruxelles estime que «la compréhension mutuelle commence par la discussion».
Alors que la Chine a rouvert ses portes après presque trois ans d’isolement lié au Covid, l’Union européenne (UE) est décidée à se reconnecter avec le géant asiatique, espérant peser sur des sujets majeurs comme l’Ukraine et la balance commerciale. La visite à Pékin d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et du président français Emmanuel Macron, à partir de mercredi, marque une nouvelle étape dans ce processus.
Avant eux, la Chine a reçu le chancelier allemand Olaf Scholz en novembre, le président du Conseil européen, Charles Michel, en décembre, puis, la semaine dernière, le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez.
Avec la fermeture, entre 2020 et fin 2022, de Pékin, «notre relation est devenue plus distante et plus difficile», a reconnu, jeudi, Ursula von der Leyen lors d’un discours à Bruxelles. Mais «la compréhension mutuelle commence par la discussion». La venue de Charles Michel avait justement pour but de relancer ce dialogue entre Chine et UE, expliquait récemment un ambassadeur européen.
Avec à l’horizon, un objectif: la tenue, à Pékin, d’un sommet Chine-UE, sans doute en juin-juillet selon des sources diplomatiques, qui évoquent aussi un prochain voyage en Chine de Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne.
Attitude «agressive» de Pékin
«On voit qu’il y a cette envie de rétablir les contacts et, surtout, de peser au niveau de l’Union européenne», analyse Valérie Niquet, directrice Asie à la Fondation pour la recherche stratégique. «La perception de la Chine ne s’est pas améliorée pendant le Covid, puisqu’on a vu une attitude extrêmement agressive» de Pékin, mais l’idée est de «reprendre des relations normales». «L’UE intéresse la Chine pour deux éléments: c’est un marché essentiel en termes économiques, et elle peut être éventuellement un moyen de contourner les pressions américaines à différents niveaux.»
Au menu des discussions, forcément, le conflit en Ukraine. «L’Union européenne pourrait faire comprendre à Pékin qu’il faut peser sur Moscou», estime Valérie Niquet, toutefois «assez pessimiste sur cette ambition». «Nous devons être francs: la manière dont la Chine continuera de réagir face à la guerre de Poutine sera un facteur déterminant de l’avenir des relations entre l’UE et la Chine», a prévenu Ursula von der Leyen. En y ajoutant une critique à peine voilée: «Loin d’être décontenancé par l’invasion atroce et illégale de l’Ukraine, le président Xi maintient son amitié «sans limite» avec la Russie de Poutine».
Le «petit frère» des États-Unis
«La façon dont la Chine se positionne vis-à-vis de la guerre en Ukraine est une déception pour l’Europe», confie une diplomate européenne en poste à Pékin. Officiellement neutre, la Chine n’a jamais condamné l’invasion russe. Le récent voyage du président Xi Jinping à Moscou a renforcé les doutes sur cette neutralité. «Je ne pense pas que les Chinois vont écouter» l’Europe sur ce point, car «ils continuent de nous voir comme le petit frère des États-Unis», estime la diplomate. Mais «le simple fait que la rencontre ait lieu», «en face-à-face», entre dirigeants chinois et européens «est positif».
Rééquilibrer la relation commerciale
L’autre grand sujet des discussions sera le déséquilibre commercial, comme l’a rappelé, jeudi, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. «Nous devons rééquilibrer cette relation», a-t-elle plaidé. «Nos ventes sont dérisoires», observe Joerg Wuttke, président de la Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine. «L’année dernière, nous n’avons expédié que 1,6 million de conteneurs vers la Chine, les exportations ont chuté de manière spectaculaire, et la Chine a connu un succès incroyable, en expédiant 6,4 millions de conteneurs vers l’Europe». En excluant les activités de BMW, «on peut supposer que les investissements européens en Chine ont chuté de 50%».
Nombre d’investisseurs étrangers ont été refroidis par les strictes règles anti-Covid en vigueur pendant près de trois ans. L’économie chinoise a aussi souffert: en 2022, sa croissance n’a été que de trois pour cent. «Les entreprises chinoises sont très intéressées par le fait d’investir en Europe, c’est pourquoi la Chine insiste à nouveau pour la ratification de l’accord d’investissements» avec l’UE, indique Joerg Wuttke.