Areuse (NE)Agressée au produit inflammable: «Notre fille est brûlée au 3e degré»
La Neuchâteloise de 48 ans, cruellement attaquée par des inconnus le 20 octobre, lutte au CHUV. Ses parents et ses voisins témoignent.
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Jeudi 20 octobre 2022 – Un inconnu a servi d’appât pour faire sortir la mère de famille de son immeuble, prétextant à l’interphone qu’il avait endommagé son véhicule sur le parking. À 20h50, il faisait nuit noire.
Lematin.ch/Vincent Donzé
Une attaque abominable et inconcevable. Depuis jeudi dernier, cette maman de deux jeunes garçons est au Centre romand des grands brûlés au CHUV, à Lausanne. «C’est dur, très dur. Elle est aux soins intensifs. Seulement la famille, les parents et son frère peuvent la voir. Elle ne peut pas parler. Les médecins l’ont plongée dans un coma artificiel à cause de la douleur.» Le père et la mère de la victime de cette effroyable agression ont accepté de nous donner des nouvelles de leur fille. Ils ne souhaitent pas trop s’épancher, ils sont sous le choc, par trop peinés. Leurs voix résument toutes leurs souffrances.
«Les brûlures, c’est atroce»
«Elle va légèrement mieux», poursuivent-ils, emplis d’espoir. «Les brûlures, c’est atroce. Elle est brûlée au 3e degré sur un bras, sur le cou et sur le haut du crâne. Au visage, elle ne devrait pas avoir besoin de greffes, elle est brûlée au 2e degré. Nos petits-enfants sont chez leur papa (ndlr. le couple est séparé). Ils sont allés chez un pédopsychiatre et ça va», ajoutent les parents de la malheureuse avant de prendre congé. Des circonstances, ils ne disent rien ou ne savent rien. Ils ont appris l’horreur par la police, par les médias qui ont relayé l’appel à témoins pour retrouver les agresseurs de leur fille et par les voisins de son immeuble.
Habitants dans l’incompréhension
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Grièvement blessée, la maman de 48 ans vit dans ce lotissement depuis plus de dix ans. Ici, le parking en surface.
Lematin.ch/Vincent DonzéLes voisins de la victime, précisément. Les habitants de l’immeuble où elle réside au chemin des Pinceleuses à Areuse (commune de Boudry/NE) vivent dans l’incompréhension, voire la peur, depuis presqu’une semaine. Ce qu’ils ont vu et/ou entendu les a traumatisés, ils ne s’en cachent pas. L’impensable: au soir du 20 octobre vers 20h50, une mère de famille, leur propre voisine qui habite là depuis plus de dix ans, a été aspergée avec un produit inflammable devant l’entrée verrouillée du bâtiment par «au moins deux individus», précise le communiqué de police du 21 octobre.
«Les investigations semblent pouvoir exclure l’acte crapuleux isolé ou l’erreur sur la personne»
La suite, ce sont les flammes qui embrasent la tête et le haut du corps de cette femme sans pouvoir dire encore avec certitude ce qui les ont déclenchées. Un élément central de l’enquête en cours qui mobilise la police judiciaire neuchâteloise sous la direction de la procureure Manon Simeoni. Alors quid de cette agression ignoble et cruelle? Réponse de Georges-André Lozouet, porte-parole de la police cantonale: «Nous observons le silence dans l’intérêt de l’enquête. Une nouvelle communication est prévue cette semaine. À ce stade, les investigations menées semblent pouvoir exclure l’acte crapuleux isolé ou l’erreur sur la personne».
Quel mobile?
Ils sont plusieurs dans l’immeuble à avoir appelé les forces de l’ordre ce soir-là. Des résidents et des résidentes qui ont réagi différemment face à l’invraisemblable. Certains ont regardé par la fenêtre, d’autres sont sortis pour aider. À 20h50, il fait nuit noire. Tous nous racontent le même récit qui se joue très vite. Du bruit, un «incendie» dehors, des cris dans les corridors, des hurlements et une femme qui combat le feu en parvenant à enlever ses vêtements enflammés à l’extérieur. La Neuchâteloise venait de rentrer du foot avec ses garçons lorsque l’interphone a sonné et provoqué cette tragédie dont le mobile échappe à tous pour l’instant. La maman et les enfants ont-ils été suivis depuis le stade de Colombier (NE)?
«Elle ne s’est pas méfiée»

La porte est verrouillée de jour comme de nuit. Les visiteurs doivent impérativement sonner à l’interphone pour entrer dans le bâtiment.
Lematin.ch/Vincent DonzéLa porte est fermée, de jour comme de nuit, un panneau indique bien «Refermez la porte derrière vous. Merci». La victime va pourtant répondre à un inconnu, sortir de son appartement du rez-de-chaussée où se trouvent ses deux enfants et aller à sa rencontre. «Une voix d’homme a prétendu avoir embouti sa voiture sur le parking. Elle ne s’est pas méfiée», relatent plusieurs voisins. Parler, elle a pu avant d’être héliportée vers le CHUV. «Elle a décrit un homme de type caucasien, portant un pull blanc et une veste noire. Il n’avait pas l’air d’être Suisse, âgé entre 30 et 35 ans, nous a-t-elle dit. Elle ne le connaissait pas. L’autre, il l’a agressée par-derrière, elle ne l’a pas vu. C’est lui qui lui a mis le feu», explique ces autres résidents. Connaissait-elle cette seconde personne tapie dans la pénombre?
«Pourquoi moi? J’ai mal. Qu’est-ce qui m’arrive?»
«Elle a appuyé sur les sonnettes des interphones vers les boîtes aux lettres pour appeler à l’aide. Elle faisait des allers-retours, dedans, dehors. Elle criait et répétait: «J’ai mal, j’ai mal»; «Qu’est-ce-qui m’arrive?»; «Pourquoi moi?» Elle n’a rien compris. Son visage était tout noir, plein de suie, ses cheveux étaient brûlés. Elle a réussi à s’éteindre toute seule, rapporte encore cet autre habitant, admiratif de son réflexe et de sa force, Elle est rentrée dans son appartement en laissant la porte entrouverte, je ne l’ai pas vue tout de suite. Elle avait enveloppé le haut de son corps nu avec une serviette de bain. La police et les secours sont arrivés très rapidement et ont pris le relais.»
Sur leurs gardes
Rarissime, inexpliqué et inexplicable, l’événement n’est pas anodin. Il interpelle par sa cruauté. Des propriétaires ou des locataires de la maison (ndlr. 13 appartements) concèdent «leur crainte de sortir». Certains résidents ne répondent plus à l’interphone sans avoir été appelés par téléphone avant. «Il reste la poste…, lâche une autre voisine. Il est vrai que nous sommes sur nos gardes.»