Session d’hiver – Le Conseil des Etats ouvre la porte aux OGM de nouvelle génération

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Session d’hiverLe Conseil des États ouvre la porte aux OGM de nouvelle génération

Les sénateurs ont approuvé de prolonger de 4 ans le moratoire contre les OGM. Mais ils ont accepté de justesse d’autoriser ceux issus de l’édition génomique.

Christine Talos
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Christine Talos
Des essais d’OGM menés par Agroscope dans un champ de blé.

Des essais d’OGM menés par Agroscope dans un champ de blé.

Tamedia AG

Le Conseil des États ouvre la porte aux OGM de nouvelle génération. Il a en effet accepté jeudi de prolonger de 4 ans le moratoire sur les organismes génétiquement modifiés. Mais il a accepté par 21 voix contre 21, avec la voix prépondérante de son président, de faire une exception pour les OGM de nouvelle génération. Soit ceux issus de l’édition génomique et modifiés sans qu’on leur introduise un ADN étranger. Les sénateurs ont également accepté tacitement un postulat qui demande que le Conseil fédéral prépare un rapport sur les possibilités d’exempter du moratoire les procédés de sélection par édition génomique.

Pour rappel, la culture d’OGM n’est autorisée en Suisse qu’à des fins de recherche. Un moratoire sur leur utilisation est en vigueur depuis le oui du peuple à une initiative populaire en 2005. Depuis, il a été prolongé trois fois par le Parlement et arrivera à échéance fin décembre. Le Conseil fédéral demandait donc une nouvelle prolongation jusqu’à fin 2025. Selon lui, ni l’agriculture ni les consommateurs n’ont montré d’intérêt à lever ce moratoire. D’autre part, il estime prématuré de régler dans le détail dans la loi les questions portant sur les nouvelles technologies génétiques.

Débats vifs

Les débats ont été vifs ce jeudi entre ceux qui insistaient pour que la Suisse permette les nouveaux OGM et ceux qui prônaient la prudence. «En soumettant l’édition génomique au moratoire, le Conseil fédéral a jeté arbitrairement à la poubelle une technologie scientifiquement fondée», a ainsi lancé Hannes German (UCD/SH), au nom de la commission. Selon la majorité, cette ouverture aux nouveaux OGM est «modérée et prudente et tient compte de l’évolution de la recherche mondiale», ce qui permettra de «garantir que la Suisse ne sera pas distancée dans la recherche et la production et qu’elle ne deviendra pas encore plus dépendante de l’étranger», a-t-il expliqué.

«Nous sommes une nation de chercheurs. Nous disposons d’institutions de recherche de premier plan au niveau mondial et nous avons réussi jusqu’à présent à attirer les meilleurs cerveaux du monde», a abondé Andrea GMür-Schönenberger (Centre/LU). Et l’enjeu est de taille selon elle; «entre l’absence d’association aux programmes de recherche européens et ce moratoire, nos scientifiques fuient littéralement vers des pays qui leur offrent non seulement des possibilités de recherche, mais aussi et surtout d’applications très différentes», a-t-elle mis en garde.

Les partisans ont en outre rappelé qu’une association, dont font partie Coop, Migros et des représentants du monde paysan et de l’agroalimentaire, avait été fondée pour contribuer au développement de cette recherche.

Ouverture prématurée

Dans le camp opposé, plusieurs sénateurs ont estimé que cette ouverture était prématurée. «La majorité de la commission veut une procédure accélérée et sans consultation pour une réglementation dont on peut se douter qu’elle sera difficile, voire impossible à mettre en œuvre dans la pratique», a critiqué Jakob Stark (UDC/TG).

Pour Elisabeth Baume-Schneider (PS/JU) aussi, tout va trop vite. «Nous avons besoin de temps afin de pouvoir proposer un cadre juridique stabilisé, notamment en ce qui concerne l’agriculture, l’environnement et la consommation», a-t-elle déclaré. «Il ne s’agit pas d’ancrer aujourd’hui à vie les nouvelles techniques de sélection dans la loi et de renoncer à toute innovation. Il ne s’agit pas d’éterniser le débat et de nous contenter de reconduire le moratoire pour des périodes de quatre ans. Il s’agit de se donner le temps nécessaire pour être à même de prendre une décision en phase avec l’évolution de la science, ce que souhaite la population et les capacités de l’agriculture à s’adapter».

La dissémination pas résolue

Pour Maya Graf (Verts/BL), il s’agit aussi d’une décision prise à la va-vite, qui ne sert en aucune manière l’agriculture, les acteurs du marché, les consommateurs, mais aussi la recherche. «L’agriculture et l’industrie alimentaire sans OGM sont un modèle de réussite pour la Suisse», a-t-elle rappelé. Cette décision nuirait non seulement à la confiance, mais aussi à la crédibilité sur les marchés, selon elle.

Sa collègue de parti, la Neuchâteloise Céline Vara, a elle rappelé en vain que les OGM de nouvelle génération ne résolvaient pas la question de la dissémination, principal problème des organismes classiques. «On ne peut pas garantir que les champs d’un paysan bio ne seront pas contaminés et qu’on ne lui retirera pas du coup son label, ce qui créera en plus une insécurité économique», a-t-elle souligné.

Le moratoire sera échu avant que l'administration puisse modifier les ordonnances correspondantes, a rappelé de son côté Marianne Maret (Centre/VS). Il vaut mieux utiliser ces quatre ans pour écouter et informer la population. Car les OGM touchent à des valeurs profondes et les Suisses sont attachés à la notion «sans OGM».

Dans la foulée, la Chambre des cantons a tacitement rejeté une motion du National et une initiative vaudoise. Les deux textes demandaient la prolongation du moratoire. Au vu du projet du Conseil fédéral, ces textes sont superflus, a précisé Hannes Germann. Le dossier repart au National qui avait voté pour la prolongation du moratoire en septembre, mais sans laisser de place aux OGM de nouvelle génération.

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