CinémaAu Comic-Con, l’IA inquiète les comédiens de doublage
Les doubleurs ont fait part de leur préoccupation quant à leur avenir professionnel face aux nouvelles technologies.
Avec les progrès de l’intelligence artificielle (IA), les comédiens américains qui prêtent leur voix pour des dessins animés et jeux vidéos s’inquiètent de leur avenir et l’ont fait savoir au Comic-Con de San Diego.
Le célèbre festival californien consacré à la pop culture se déroule cette année en pleine grève à Hollywood, où scénaristes et acteurs réclament de meilleures rémunérations mais aussi des garanties pour leur métier, qu’ils estiment menacé par l’arrivée de l’IA dans la création.
Les comédiens de doublage sont en première ligne, car la technologie permet aujourd’hui d’utiliser une voix réelle pour faire lire par une machine (souvent sans le consentement de l’acteur original) d’autres dialogues, avec le bon timbre.
Tim Friedlander, le fondateur de l’Association nationale des comédiens de doublage, donne l’exemple de cet acteur qui a été remercié après trois ans de travail dans une entreprise. «Ils lui ont dit: «Nous avons trois ans de ta voix, nous allons simplement créer une réplique synthétique de ta voix avec ce dont nous disposons», a-t-il expliqué aux journalistes.
Détournement
Le problème ne vient pas seulement de l’industrie. Ces dernières années, de nombreux fans ont utilisé l’IA pour cloner des voix connues et leur faire tenir d’autres propos, souvent de nature pornographique.
«J’ai des enfants. Je ne veux pas que ma voix prononce certaines choses et que mes enfants les entendent et se demandent si c’est quelque chose que j’ai bien dit», a déclaré l’actrice Cissy Jones, qui prête sa voix pour la série animée «Luz à Osville».
Mais selon Zeke Alton, dont la voix apparaît dans le jeu vidéo «The Callisto Protocol», les acteurs ne veulent pas non plus interdire complètement l’IA de la création.
De toute façon, dit-il, «la boîte de Pandore est ouverte». «Si vous voulez me dupliquer, moi ou n’importe quel comédien, nous devons apporter notre consentement et nous devons être compensés» financièrement, défend-il.
Changements rapides
L’intelligence artificielle est l’une pierres d’achoppement dans les négociations en cours entre les studios hollywoodiens et la Screen Actors Guild (SAG-AFTRA), qui a rejoint le 14 juillet les scénaristes en grève.
Les acteurs accusent les studios de ne pas prendre au sérieux leurs inquiétudes face à l’hypothèse du «remplacement de la majeure partie de leur travail par des répliques numériques».
De leur côté, les studios ont affirmé vendredi qu’ils avaient proposé d’établir des règles de consentement éclairé et de compensation équitable et que le syndicat n’avait pas répondu.
Pour Duncan Crabtree-Ireland, négociateur en chef de la SAG-AFTRA, les studios voudraient «enterrer» ces clauses de consentement à l’IA «dans une phrase au milieu d’un contrat de 12 pages».
Les acteurs de doublage sont «au premier plan» du débat sur l’IA, a-t-il averti, les changements «se produisant plus rapidement pour les acteurs de doublage que dans tout autre domaine».
Fusion
Par exemple, les studios explorent l’IA pour doubler les dialogues en langues étrangères, ce qui priverait les comédiens du monde entier d’un travail précieux pour leurs marchés locaux. Autre préoccupation: que les studios puissent utiliser des voix «synthétisées» fusionnant plusieurs voix humaines, sans rémunérer les acteurs originaux.
Tous les emplois de doublage ne sont pas perturbés par la grève, car certains sont négociés dans le cadre de conventions collectives distinctes. Par exemple, la grève en cours paralyse toute activité pour les voix des personnages dans les films ou séries d’animations, les bandes-annonces ou l’ajout de dialogues pour les acteurs secondaires dans les scènes de cinéma ou de télévision -- ce qu’on appelle aussi postsynchronisation ou «looping».
En revanche, les voix utilisées pour les jeux vidéo relèvent d’une convention distincte, pour laquelle les négociations sont toujours en cours, et peuvent donc être utilisées sans briser la grève.
Mais, prévient Zeke Alton, «ce qui se passe dans cette grève aura un impact non seulement sur la profession d’acteur, mais aussi sur toutes les professions».