MigrantsAu Chili, la frustration des Haïtiens, l’espoir des Vénézuéliens
Au nord du Chili se croisent les espoirs des migrants. Les Haïtiens reviennent, déçus de n’avoir pu entrer aux États-Unis. Les Vénézuéliens arrivent, des rêves plein la tête.
Sur la côte nord du Chili, à la frontière avec le Pérou, la police est confrontée aux deux flux migratoires qui secouent l’Amérique latine: des Haïtiens qui reviennent dans le pays après leur «rêve américain» avorté et des Vénézuéliens qui rêvent d’y commencer une nouvelle vie.
«Nous avons un permis de séjour au Chili et notre fils est chilien, je rentre pour reprendre mon travail», explique Isaiah, un jeune Haïtien. Lui, sa femme et leur bébé viennent de descendre d’une camionnette de la police chilienne, au poste de frontière de Chacalluta, à l’extrême nord du pays. Ils ont été arrêtés alors qu’ils entraient à pied par un passage non autorisé, près d’une plage longeant le Pacifique. Ils affirment avoir quitté le Chili à pied, il y a douze jours, pour tenter de rejoindre les États-Unis.
Longue traversée infructueuse
Comme eux, des dizaines de milliers d’Haïtiens ont entamé, ces derniers mois, la traversée du continent latino-américain, souvent depuis le Chili et le Brésil, avec pour objectif de demander l’asile aux États-Unis. Des centaines d’entre eux s’étaient récemment massés dans des camps de fortune, à la frontière entre ce pays et le Mexique, jusqu’à ce que Washington lance des expulsions par avion.
Des milliers d’autres se sont retrouvés bloqués dans le nord de la Colombie, goulet d’étranglement avant la traversée de la jungle du Darien, qui relie ce pays au Panama, avec l’espoir de poursuivre leur route vers le nord.
La police chilienne a constaté que ces derniers mois, des groupes d’Haïtiens allant jusqu’à 50 personnes quittaient le pays, explique le major Patricio Aguayo, chef de poste à Chacalluta. «Mais ces tentatives de départ ont cessé, maintenant nous voyons des ressortissants haïtiens rentrer à Santiago par avion.» Visiblement inquiets et démoralisés, les migrants haïtiens passent désormais des heures à l’aéroport ou au terminal de bus d’Arica, la grande ville du nord du Chili, à la recherche de billets pour retourner dans le centre ou le sud du pays.
Au Pérou, «la nourriture est devenue chère»
Leur frustration contraste avec l’optimisme des Vénézuéliens, qui cherchent à gagner la capitale Santiago, à 2000 kilomètres de là. Diathnys, une infirmière de 38 ans, a été elle aussi arrêtée par la patrouille de la police des frontières, avec six de ses compatriotes.
«J’ai toujours voulu migrer au Chili pour avoir une meilleure qualité de vie», dit-elle. Comme de nombreux Vénézuéliens interpellés à la frontière, elle vient de passer plusieurs années au Pérou. Mais «après la victoire de Pedro Castillo», le candidat de la gauche à la présidence, «la nourriture est devenue chère, il y a beaucoup de problèmes et je ne veux pas revivre la même situation qu’au Venezuela».
Si traverser la frontière illégalement dans la région côtière se fait dans des conditions moins pénibles que dans les hauteurs de la cordillère des Andes, la zone est contrôlée par l’armée et les polices chilienne et péruvienne collaborent.
Tour de vis
Gustave, un mécanicien haïtien de 36 ans, dit qu’il ne va pas quitter le Chili. «Mais c’est difficile. J’avais un travail, et cela allait bien jusqu’à ce qu’on ne me renouvelle pas mon visa. C’est impossible de trouver un emploi en étant illégal», explique le trentenaire, qui a travaillé plusieurs années dans le centre du pays. Les difficultés récentes dans les processus de régularisation au Chili ont particulièrement frappé les migrants haïtiens et vénézuéliens.
Après le violent tremblement de terre en Haïti, en 2010, le Chili, considéré comme le pays le plus stable et prospère d’Amérique latine, avait accueilli 200’000 Haïtiens. En 2018, il avait également mis en œuvre une politique migratoire généreuse à l’égard des Vénézuéliens, forcés de quitter leur pays en raison de la crise politique et économique. Mais il a récemment donné un tour de vis, procédant notamment à des expulsions.