PartenariatDaurade génétiquement modifiée par édition génomique
Une daurade génétiquement modifiée par édition génomique est en test au Japon. Et la Suisse?
- par
- Luigi D’Andrea, ASGG
La question de la régulation et de l’étiquetage des nouvelles techniques de modification génétique et en particulier de l’édition génomique est en débat partout dans le monde. Le Japon a adopté une position très laxiste où il ne souhaite pas du tout réguler ces techniques. Cela ouvre une voie pour la modification génétique de beaucoup d’espèces sans aucune évaluation du risque, ni étiquetage.
La société Regional Fish basée à Kyoto a développé une daurade génétiquement modifiée qui développe 20 % de viande en plus que ses homologues sauvages. Cela a été rendu possible en désactivant un gène qui contrôle la croissance musculaire. Le poisson «super-musclé» a été créé en collaboration avec l'université de Kyoto et l'université de Kindai. De telles modifications ont déjà été faites auparavant sur le cochon. Le projet a été abandonné car les animaux sont difformes, développent d’autres maladies et les consommateurs n’en veulent pas. Ce genre de modifications pose des questions éthiques…visiblement un peu moins lorsqu’il s’agit d’un poisson.
Ventes-test au Japon
La société a déjà commencé à prendre des commandes pour des ventes-test le 17 septembre. Comme aucun gène étranger n'a été ajouté au poisson, il n'est pas nécessaire de soumettre le produit à des tests de sécurité, a décidé un groupe du ministère japonais de la santé. Cependant une dorade de ce type n’est jamais apparue durant les millions d’années d’évolution car le type de gène modifié est très conservé dans la nature. Et c’est précisément là le problème: avec l’édition génomique, il est possible de modifier des gènes qui ne le seraient jamais autrement. La question de savoir s’il y a de l’ADN étranger ou pas n’est pas centrale. De même pour la question de savoir si la modification est importante ou pas. Même une modification minime peut engendrer de grands effets.
Des produits fabriqués à partir du poisson modifié sont déjà proposés à la dégustation via une plateforme de crowdfunding: par exemple, de la dorade séchée au kombu ou cuisinée avec du riz. Dans ce canal de distribution, les produits seront cependant toujours clairement étiquetés «modifiés par édition du génome». La première étape consistera à analyser les réactions à ces ventes-test, après quoi les ventes commerciales seront ciblées, déclare le président Umekawa Tanadori. L'objectif de l'entreprise, dit-il, est de revitaliser l'économie régionale en développant des poissons adaptés aux différentes régions marines.
L'édition du génome
La daurade est le premier aliment d'origine animale modifié par édition du génome au monde. Mais si les animaux génétiquement manipulés sont autorisés, même dans des pays lointains, ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils ne se retrouvent dans nos assiettes à nous aussi. C'est ce que montre également l'exemple d'un saumon génétiquement modifié - encore modifié par transgénèse - qui a déjà été vendu à la tonne au Canada. Même avec ce poisson transgénique, les autorités locales ont du mal à garder un œil sur les importations illégales.
Contrairement au génie génétique classique, l'édition du génome peut être appliquée à une grande variété d'espèces animales car les ciseaux génétiques CRISPR/Cas semblent surmonter sans effort l'obstacle technique précédent. Le nombre d'espèces animales pouvant être modifiées à l'aide de l'édition du génome augmentant rapidement, les autorités de contrôle pourraient en perdre totalement la trace en cas de déréglementation. Cela mettrait massivement en danger la transparence, l'environnement et la santé, car les risques de la modification génétique pour les humains et les animaux sont encore largement méconnus.
Et en Suisse?
En Suisse, la question du moratoire et de la régulation de ces techniques est en débat au Parlement. Le Conseil national a choisi de prolonger le moratoire et d’y inclure les nouvelles techniques de modification génétique. Le Conseil des Etats devra se prononcer durant la session d’hiver. Est-ce que le peuple suisse est prêt à accueillir ce genre de produits sur ses étales sans évaluation ni étiquetage?