FranceL’ultime survivant du massacre nazi d’Oradour s’est éteint à 97 ans
Robert Hébras, décédé ce samedi, était le dernier témoin de la tuerie d’Oradour-sur-Glane, village français dont 643 habitants furent fusillés ou brûlés vifs par des SS en 1944.
Robert Hébras, le dernier rescapé du massacre d’Oradour-sur-Glane (centre de la France) en 1944, s’est éteint samedi, à l’âge de 97 ans. Il est décédé samedi matin à 6 h 15 à l’hôpital de Saint-Junien, à une dizaine de kilomètres d’Oradour, «entouré de ses proches», ont annoncé sa famille, la mairie, et l’association des familles des martyrs d’Oradour-sur-Glane dans un communiqué.
Le président Emmanuel Macron a salué sur Twitter la mémoire d’un «survivant» qui «consacra sa vie à transmettre le souvenir des victimes, à œuvrer pour la paix et la réconciliation», tandis que la Première ministre, Élisabeth Borne, a évoqué «un infatigable passeur de mémoire».
«Il nous revient de transmettre son message, celui qu’il m’avait confié en septembre 2013 avec le président allemand: n’oubliez jamais et défendez la paix, l’Europe et la démocratie», a également réagi l’ancien président François Hollande.
«Le plus jeune avait une semaine, la plus vieille 90 ans»
Robert Hébras allait bientôt avoir 19 ans quand, le 10 juin 1944, les SS de la division Das Reich tuent 643 personnes dans ce village du Limousin, l’un des pires massacres de civils commis par les nazis en Europe occidentale.
Cet après-midi-là, «les Allemands descendent de leur camion, disent à la population de se réunir sur la place centrale. Durant trois quarts d’heure environ, personne ne s’inquiète. Les hommes sont séparés alors des femmes et des enfants», racontait encore avec précision, en 2020, Robert Hébras. Parmi les victimes, «le plus jeune avait une semaine, la plus vieille 90 ans».
Dans des granges, les soldats abattent les hommes à la mitrailleuse, avant de les brûler. Dans l’église, ils enferment femmes et enfants et mettent le feu. Puis ils brûlent les corps, creusent des fosses et incendient entièrement le village. Seuls six habitants réchappèrent à ce massacre. Parmi eux Robert Hébras, qui était caché sous les cadavres de ses camarades dans une grange et parvint à s’enfuir.
«J’ai fait ce que j’avais à faire»
Après de longues années à se murer dans le silence, Robert Hébras s’est battu «pour que l’on n’oublie pas», racontant inlassablement son histoire, notamment auprès des écoliers. «J’ai fait ce que j’avais à faire», résumait à 95 ans cet ancien garagiste, à qui le président Emmanuel Macron avait remis les insignes de commandeur de l’ordre national du mérite en 2022.
«Européen convaincu et engagé» selon sa famille, et également décoré de la Légion d’honneur, puis de l’ordre du mérite allemand en 2012, Robert Hébras avait guidé en 2013 les présidents français et allemand François Hollande et Joachim Gauck dans les ruines du village martyr. Il avait témoigné une première fois au procès du massacre, organisé à Bordeaux en 1953, qui aboutit à la condamnation de sept Allemands et quatorze Alsaciens incorporés chez les SS, les «Malgré-nous».
Guerre des mémoires
L’amnistie pour ces 14 soldats provoqua une longue guerre des mémoires entre Limousins et Alsaciens, qui éclaboussa indirectement Robert Hébras des années après. En 2012, il fut condamné pour diffamation pour avoir émis, dans un livre, des doutes sur l’enrôlement de force des «Malgré nous» dans les Waffen SS, avant d’être définitivement blanchi un an plus tard par la Cour de cassation.
Au cours des dernières années, Robert Hébras avait transmis son travail de mémoire à sa petite-fille Agathe Hébras, avec qui il avait coécrit un livre sur l’histoire d’Oradour-sur-Glane. Il est mort juste avant le 70e anniversaire du verdict du procès de Bordeaux, tombé dans la nuit du 12 au 13 février 1953.