Open d’AustralieAdrian Mannarino, ce drôle d’oiseau
A 35 ans, le meilleur joueur français au classement mondial, futur adversaire de Novak Djokovic en 8es de finale, brille par sa différence sur le circuit.
- par
- Jérémy Santallo
Les images résument assez bien le bonhomme. Après le marathon en cinq sets victorieux d’Adrian Mannarino contre Ben Shelton, vendredi, une vidéo a fait le tour de la Toile. On y voit le Français archi détendu, assis sur une chaise, alors que l’Américain s’échauffe d’arrache-pied avant leur rencontre.
«Je n’ai pas besoin de me préparer spécifiquement pour ce genre de match, a révélé l’athlète aux médias internationaux vendredi. Par exemple, beaucoup de joueurs s’entraînent avec un gaucher avant de jouer un gaucher mais je pense que c’est des conneries. Jeudi, j’étais trop fatigué, j’ai joué 15 minutes avec mon coach et j’ai dit stop, je n’en veux pas plus, j’ai joué assez de tennis ces derniers jours. Le plus important, c’est de récupérer.»
Fitness et cordage
Depuis le début de la quinzaine à l’Open d’Australie, Adrian Mannarino n’a disputé – et gagné – que des matches en 5 sets, notamment au 1ᵉʳ tour contre Stan Wawrinka. Mieux, il n’en a pas perdu un depuis 2015 (!) «Je m’inflige beaucoup de travail en salle. C’est ma manière de faire, j’y crois et j’aime ça, explique-t-il. Certains gars me charrient là-dessus mais moi, ça me rassure. Et si le match est amené à durer, cela me donne confiance. Parce que je sais que mon intensité ne baissera pas.»
Son physique irréprochable lui a ouvert les portes du top 20 mais il n’y a pas que ça. Son jeu à plat, tout en timing, avec son cordage de raquette très peu tendu, est une anomalie sur le circuit. «C’est un mec obsédé par la taille du grip et l’équilibre de sa raquette, racontait Hugo Nys, son partenaire de double à Melbourne l’année dernière, pour L’Equipe. Il passe sa vie dans sa chambre à faire ses petites modifications. Il a un vrai laboratoire pour faire des réglages, c’est assez dingue.»
Sponsor et secret
Auteur de la meilleure saison de sa carrière, l’an dernier, à 35 ans, Mannarino présente une autre particularité: il joue sans sponsor, pour l’heure. «Si je signe avec une marque, c’est parce que j’aurais une bonne relation avec les gens. Je ne veux pas signer avec n’importe qui juste pour prendre un peu d’argent, a-t-il expliqué aux confrères français cette semaine à Melbourne. Quand on voit les prize money du moment, ce que je gagnerais avec un sponsor serait minime donc je privilégie de me sentir bien dans mes vêtements et mes chaussures. De plus, certaines marques t’obligent à jouer avec leurs chaussures et j’ai eu des blessures par le passé.»
La dernière spécifité entourant Mannarino est sans doute la plus étonnante: il ne découvre le nom de son adversaire «qu’une heure avant» de l’affronter, en général. «Cela m’évite de trop cogiter», se justifie-t-il. Et à Melbourne Park, tout le monde joue le jeu. Que ce soit les préposés aux interviews sur le court ou les journalistes en conférence de presse, personne n’évoque son futur.
Vendredi, il a appris qu’il jouait Shelton en cherchant ses compatriotes Mahut et Roger-Vasselin sur un écran du restaurant du tournoi. Deux jours plus tôt, c’était son chauffeur matinal qui avait vendu la mèche pour Jaume Munar. On aimerait être une petite souris pour voir sa tête quand il découvrira qu’il défie le No 1 mondial Novak Djokovic dans la Rod Laver Arena, dimanche.