Thaïlande: Le réformiste Pita bloqué aux portes du pouvoir

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ThaïlandeLe réformiste Pita bloqué aux portes du pouvoir

Vainqueur des législatives, le réformiste Pita Limjaroenrat a perdu jeudi le vote au parlement pour devenir Premier ministre. Il ne compte pas abandonner pour autant.

La défaite du candidat progressiste Pita Limjaroenrat, visage du renouveau politique auprès des plus jeunes, ravive le scénario de manifestations importantes.

La défaite du candidat progressiste Pita Limjaroenrat, visage du renouveau politique auprès des plus jeunes, ravive le scénario de manifestations importantes.

AFP

Le réformiste Pita Limjaroenrat a perdu jeudi le vote au parlement pour devenir Premier ministre, les sénateurs fidèles à l’armée ayant rejeté sa candidature jugée trop radicale, malgré le risque de nouvelles manifestations massives, dans un royaume fracturé. Vainqueur des législatives sous la bannière de Move Forward, Pita Limjaorenrat se heurte au système contrôlé par les élites conservatrices royalistes, qui lui reprochent ses ennuis judiciaires et son projet de réviser la loi sur la lèse-majesté.

La défaite du candidat progressiste, visage du renouveau politique auprès des plus jeunes, ravive le scénario de manifestations importantes, palpable autour du parlement protégé jeudi par un important dispositif de sécurité.

Fidèles à l’armée

Malgré le soutien d’une coalition majoritaire à la chambre basse, Pita n’a pas obtenu à la chambre haute la soixantaine de voix de sénateurs dont il avait besoin pour atteindre le seuil nécessaire. Le député Move Forward, seul candidat déclaré au poste de Premier ministre, n’a convaincu que 13 des 249 sénateurs, tous nommés par l’armée.

Au total, chambres basse et haute réunies, il a obtenu 324 votes sur 705, encore loin du seuil des 375 voix qu’il devait franchir. «Je ne vais pas abandonner», a-t-il réagi, promettant une nouvelle stratégie pour le prochain vote, dont la date n’a pas encore été confirmée.

Les sénateurs sont donc pour la plupart restés fidèles à l’armée, malgré les appels de Move Forward à remettre la Thaïlande sur la voie de la démocratie. Députés et sénateurs se réuniront autant de fois que nécessaire, avec la possibilité qu’un candidat jugé plus consensuel, issu d’un autre parti, emporte le poste.

Poursuites judiciaires

Pita Limjaorenrat personnifie à 42 ans la rupture souhaitée par les jeunes, qui sont descendus dans les rues par milliers en 2020 pour réclamer une refonte en profondeur de la monarchie. Nouvelle Constitution, abolition du service militaire obligatoire, légalisation du mariage pour tous, ouverture de certains marchés... Son programme de rénovation vise à tourner la page d’une quasi-décennie sous l’autorité de l’ex-général putschiste Prayut Chan-O-Cha, qui a vu les libertés fondamentales reculer et l’économie stagner.

Mais cette activité a exposé Move Forward et son chef de file à des poursuites judiciaires. Les concernés ont estimé que celles-ci visaient à les détourner du pouvoir. Pita Limjaroenrat est accusé dans deux affaires distinctes, qui font planer la menace d’une disqualification comme une épée de Damoclès au-dessus de sa tête.

Le président de la commission électorale a préconisé une suspension de ses fonctions parlementaires, en raison d’actions qu’il possédait dans une chaîne de télévision au moment de la campagne. Le député, qui se défend de toute manoeuvre illégale, risque la perte de son siège de parlementaire, une peine de prison et un bannissement de la vie politique pendant 20 ans.

«Renverser» la monarchie

Dans un autre dossier, la Cour constitutionnelle a déclaré recevable la plainte d’un avocat qui accuse M. Pita et Move Forward de vouloir «renverser» la monarchie. La question de la place du roi dans la société a occupé les discussions dans l’hémicycle, autour de la loi controversée réprimant la lèse-majesté, l’une des plus sévères au monde de ce type.

Move Forward défend, seul, une réforme du texte, dont la formulation floue laissant place à l’interprétation a été détournée à des fins politiques pour faire taire toute contestation, selon des groupes de défense des droits. Le camp conservateur refuse toute modification de ce symbole, au nom du statut intouchable du roi, considéré comme une quasi-divinité.

(AFP)

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