ParlementLes sanctions suisses contre la Russie sous la critique
Sont-elles efficaces? Sont-elles contournées? Se retournent-elles contre les Suisses? Guy Parmelin a répondu au Parlement que les sanctions ont d’abord pour but «de faire cesser la guerre».
«La Suisse participe aux sanctions, cela sert ses intérêts de politique extérieure, elle exprime sa solidarité avec la communauté internationale et le peuple ukrainien». Pour le conseiller fédéral Guy Parmelin, si la Suisse a adopté, il y a trois mois déjà, les sanctions de l’Union européenne contre la Russie «C’est avant tout pour faire cesser la guerre et les souffrances de la population, mais c’est un objectif non atteint».
Des objectifs pas quantifiables
Le chef de l’Économie répondait lundi à un faisceau de questions sur la raison d’être des sanctions contre la Russie, leur application et leurs conséquences. Le chef du groupe UDC Thomas Aeschi (UDC/ZG) voulait savoir si le Conseil fédéral s’était fixé des objectifs et s’ils avaient été atteints. «Les sanctions sont un instrument de pression, lui a répondu le Vaudois, dont les objectifs ne sont pas quantifiables. Nous agissons conjointement avec d’autres États et des objectifs spécifiquement suisses ont peu d’intérêt. Enfin, on ne peut pas savoir comment la situation aurait évolué en l’absence de sanctions».
La question du contournement des sanctions a également été abordée. Pour échapper aux sanctions, l’oligarque Andreï Melnitchenko aurait transmis à sa femme Aleksandra le trust chypriote auquel appartient la société Eurochem basée à Zoug. Cette affaire a suscité pas mal de polémiques en Suisse alémanique. Le président du Centre, Gerhard Pfister (C/ZG) a demandé des éclaircissements au chef du Département de l’économie.
Une pesée des intérêts
Selon Guy Parmelin, le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) a traité le cas avec célérité: «On ne relève pas de contournement des mesures dans ce cas, a-t-il déclaré. La société doit respecter les sanctions et s’y est engagée. Il lui est interdit de mettre à sa disposition des avoirs économiques, notamment par le biais de son épouse». Il a ajouté que les membres de la famille ne sont pas automatiquement soumis au même traitement que la personne directement visée. Enfin, Eurochem est parmi «les plus grands distributeurs d’engrais au monde» et que des mesures contre elle pourraient «miner l’approvisionnement mondial».
Accusation infondée
Nicolas Walder (V/GE) fait également partie des parlementaires qui pointent du doigt le Conseil fédéral, qui se serait montré «réticent à l’idée de contrôler les sanctions décrétées en réponse à l’invasion russe», notamment au plan international. «L’accusation d’une mise en œuvre des sanctions inadéquate est infondée, a rétorqué Guy Parmelin, la Suisse n’a pas à rougir dans ce domaine. Le SECO contrôle pour la Suisse. Il s’appuie sur une longue pratique de surveillance ses sanctions. Ses ressources et ses processus ont été renforcés pour ces mesures. Le SECO est en contact avec les acteurs en suisse et à l’étranger. La Suisse est prête à renforcer encore sa coopération».
Plus d’argent russe pour les Suisses
Pour Jean-Luc Addor (UDC/VS), les sanctions contre la Russie se retournent contre des Suisses: «Des citoyens ou des entreprises suisses se retrouvent par exemple dans l’impossibilité d’encaisser les dividendes de titres de sociétés russes». «Les sanctions visent l’économie russe et pas suisse, a tenu à préciser Guy Parmelin. Cependant, le Conseil fédéral est conscient des effets sur l’économie suisse. C’est un facteur qui est pris en compte lors de ses décisions de s’aligner ou pas sur les sanctions européennes».
Les belligérants sur un pied d’égalité
Si les sanctions prises par la Suisse l’ont clairement identifiée comme un «pays hostile» par la Russie, il ne doit pas en aller de même pour les ventes d’armes. Répondant à deux questions sur les demandes pressantes de l’Allemagne ou du Danemark, Guy Parmelin a indiqué la ligne à ne pas franchir: «La neutralité helvétique implique de traiter de la même façon les deux parties impliquées. Il n’y a pas de marge de manœuvre ici. En tant qu’État neutre, la Suisse est tenue depuis 1907 de traiter tous les belligérants sur un pied d’égalité en ce qui concerne le matériel de guerre. Les exportations doivent être refusées si le pays est impliqué dans un conflit armé et cette base légale s’applique aussi pour la réexportation».