Football«La première fois, il y avait 3-0 après 8 minutes»
Binôme de toujours d’Andrea Binotto (en quarantaine vendredi), Alexandre Badibanga a dirigé NE Xamax face à Stade-Lausanne (1-1). Il y a quatre ans, la même situation avait viré au cauchemar.
- par
- Florian Vaney
«Avoir vécu une expérience aussi traumatisante et s’en être sorti, ça donne confiance pour une vie entière. Parce que sincèrement, qu’est-ce qui peut arriver de pire que ça dans le football?» Pire qu’être mené 3-0 après 8 minutes pour sa première sur un banc compétitif? On ne voit pas…
Alexandre Badibanga a fait jaillir un lourd souvenir de son passé vendredi soir. Neuchâtel Xamax venait de passer tout proche de la victoire face à Stade-Lausanne-Ouchy en Challenge League (1-1, égalisation à la 86e), Andrea Binotto était resté coincé chez lui avec le Covid et c’est donc lui, l’assistant de toujours du «Professeur», qui s’est tenu droit devant le banc xamaxien durant 90 minutes. «C’est moi qu’on a vu, peut-être, mais tout le staff s’est serré les coudes. On a œuvré ensemble, en profitant des qualités de chacun. On a aussi pu compter sur un Raphaël Nuzzolo fantastique. Il a pris l’équipe sous son aile avant le match: la grande classe, vraiment», s’est réjoui l’entraîneur d’un soir, soulagé.
De latéral du Stade Nyonnais à directeur sportif du SLO
Parce que sous ses airs tranquilles et sa démarche décontractée, Alexandre Badibanga n’a pu s’empêcher de se projeter 4 ans dans le passé. La douleur se situe en plein 11 novembre 2017. Le binôme fait encore les beaux jours du SLO, tout frais promu en Promotion League. Une semaine plus tôt, Andrea Binotto est sorti de ses gonds lors du derby à Bavois. Un «Vous êtes nuls!» à l’encontre d’Alessandro Dudic, arbitre du jour, devait lui valoir 3 matches de suspension. Puis deux après recours. Le décor est planté: «Badi» devrait entraîner seul ses Stadistes face au Stade Nyonnais. Pour la première fois à ce niveau.
«Pendant toute la semaine entre les deux matches, je n’ai espéré qu’une seule chose: ne pas prendre un bouillon. Je voulais montrer une belle image, qu’Andrea soit fier de moi», détaille Badibanga, alors jeune retraité des terrains. Sauf qu’en face, Nyon débarque à Samaranch avec la Dream team. Dans ses rangs, un certain Yagan Hiraç… désormais directeur sportif de Stade-Lausanne. Le monde est petit. «C’est vrai qu’on avait une très grosse équipe. Fargues, Mobulu, Dessarzin, Tall, Barroca au goal. Le championnat nous avait échappé dans la dernière ligne droite, après avoir perdu la confrontation directe contre Kriens», se remémore l’ancien latéral.
Les Lausannois, eux, ne sont pas encore le rouleau compresseur qui écrasera la troisième division l’année suivante. Le danger plane. Et Karim Chentouf lui donne très vite de la substance. Le buteur nyonnais se joue deux fois de Kennedy Rodrigues en moins de sept minutes. 2-0. Le scénario catastrophe est lancé. Et Quentin Gaillard n’est pas encore entré en scène.
«Si je me souviens de la suite? Bien sûr! Vous croyez que je marque des buts tous les week-ends?», se marre le milieu de terrain aux qualités de récupération bien au-dessus de la moyenne de Promotion League. Après avoir volé un ballon à l’adversaire, en général, il oriente le jeu. Ou alors, il opte pour sa botte secrète. «Il y a deux semaines encore en amical, j’ai tenté. C’est passé à quelques centimètres du poteau.» Ce jour-là par contre, le geste est parfait. Kennedy Rodrigues est avancé, le lob part de plus de 30 mètres. Il termine sous la latte. 8 minutes de jeu, le SLO d’Alexandre Badibanga vit le cauchemar redouté.
Quentin Gaillard, un lob comme porte d’entrée
«L’image de ce 3-0 est encore intacte. Dans ma ligne de mire, il y a Quentin qui part célébrer son but. Et au deuxième plan, je vois Andrea, assis dans la tribune opposée, sans doute dans le même état que moi. Ce qu’il se passe dans ma tête à ce moment? Qu’il faut que j’envoie des signaux positifs à l’équipe. Je me retourne vers le banc, je lâche une ou deux phrases de motivation. Il n’y a pas grand-chose d’autre à faire…» Hasard ou non, Quentin Gaillard passera d’un vestiaire à l’autre l’été suivant.
Le match, lui, ne vire pas au naufrage. Le SLO croit même en un improbable retour. 1-3, 2-3, quelques scènes brûlantes puis le 2-4 final signé Fabrizio Zambrella. L’honneur est sauf. Surtout avec les trois points empochés la semaine suivant à United Zurich, dans la même configuration.
«Si j’ai une certitude, c’est que le match de vendredi ne se serait pas aussi bien passé sans ce 11 novembre.» Le genre d’événement qui change un coach.