ParisLe meurtre antisémite d’une vieille dame devant la justice
Deux hommes de 25 et 31 ans comparaissent ce mardi pour avoir égorgé une femme de 85 ans atteinte de la maladie de Parkinson et avoir brûlé son corps. Dénégations.
L’affaire avait provoqué indignation et émoi en France et à l’étranger. Le procès de deux hommes, accusés du meurtre à caractère antisémite de Mireille Knoll, une vieille dame juive tuée chez elle en 2018, s’est ouvert mardi à Paris.
Yacine M., 31 ans, et Alex C., 25 ans, ont pris place dans la petite salle d’audience du palais de Justice.
Les deux hommes, qui s’étaient rencontrés en prison, se rejettent la responsabilité du meurtre.
«Il faudrait un miracle pour que la vérité sorte de leur bouche», a déclaré Me Gilles-William Goldnadel, l’avocat des fils de Mireille Knoll, avant d’entrer dans la salle avec ses clients. Mais le «dossier est accablant», a-t-il estimé, parlant d’une affaire «d’antisémitisme crapuleux».
Le 23 mars 2018, les pompiers sont appelés pour un incendie dans un immeuble modeste de l’est parisien. Au deuxième étage, ils découvrent le corps en partie carbonisé de Mireille Knoll, en travers de son lit médicalisé, les jambes ballantes.
La femme de 85 ans, atteinte de la maladie de Parkinson et qui ne peut se déplacer seule, a été frappée de onze coups de couteau, notamment à la gorge.
L’enquête a très vite permis de découvrir que Yacine M. et Alex C. étaient sur place. Mais ce qui s’est passé dans le petit appartement reste flou, tant les versions des deux hommes sont opposées.
Des versions opposées
Alex C., un marginal sans domicile fixe avec des antécédents psychiatriques, soutient que Yacine M. lui a proposé de le rejoindre pour un «plan thunes». Yacine M., fils de la voisine qui connaissait Mireille Knoll depuis l’enfance et enchaînait les verres de Porto chez la vieille dame, assure, lui, qu’il avait simplement proposé de venir passer «un bon moment».
Sur place, selon Alex C., la discussion s’envenime quand Yacine M. accuse Mireille Knoll de l’avoir «balancé» et envoyé en prison. Il la porte dans sa chambre, «l’égorge» aux cris de «Allah Akbar».
Yacine M. soutient, lui, qu’Alex C. a tout de suite cherché à voler Mireille Knoll, demandant à son arrivée si elle était «blindée». Il empile fourrures et bibelots. Puis Yacine M. entend un cri dans la chambre, il voit Alex C. poignarder la vieille dame.
Chacun accuse l’autre d’avoir décidé de mettre le feu.
Deux versions «peu crédibles», estimeront les enquêteurs, dont la tâche est compliquée par la propension particulièrement développée de Yacine M.et Alex C. à «mentir» et «manipuler».
Les deux hommes avaient été condamnés plusieurs fois pour des vols et violences.
La mère de Yacine M., accusée d’avoir nettoyé le couteau du crime, comparaît, libre, à leurs côtés.
«Ambivalence»
Les juges d’instruction ont choisi de retenir le caractère antisémite sur la base d’une discussion rapportée par Alex C. Il a affirmé avoir «cru entendre» Yacine M. «parler des moyens financiers des Juifs, de leur bonne situation», et Mireille Knoll intervenir «pour expliquer que tous les Juifs n’avaient pas de bonne situation».
L’enquête a par ailleurs montré «l’ambivalence de Yacine M. vis-à-vis du terrorisme islamiste qui prône notamment l’antisémitisme», ont noté les juges, en précisant toutefois que personne ne l’avait jamais entendu proférer de propos antisémites.
«Le mobile antisémite n’existe que parce que (Alex C.) a essayé de dessiner un mobile» et que les juges n’ont «pas eu le courage d’abandonner ce chef d’accusation sous la pression publique», a affirmé avant l’audience l’un de ses avocats, Me Charles Consigny.
«Contrairement à Yacine M.», Alex C. «n’avait aucune raison d’en vouloir à Mireille Knoll», a de son côté estimé son avocat Karim Laouafi.
Le drame, survenu un an après le meurtre à Paris de Sarah Halimi, une sexagénaire juive jetée de son balcon, avait entraîné une grande «marche blanche» dans Paris et relancé le débat sur un «nouvel antisémitisme» lié à l’islamisation de certains quartiers.
Mireille Knoll a été tuée «parce que juive», avait clamé le président Emmanuel Macron, une indignation partagée notamment aux États-Unis et en Israël, face au sort de cette femme qui avait fui Paris en 1942 pour échapper aux rafles antisémites.
Le procès est prévu jusqu’au 10 novembre.