ArgentineUn 131e enfant «volé» sous la dictature retrouvé
Les Grands-Mères de la Place de Mai ont annoncé jeudi avoir «retrouvé» un nouvel enfant volé sous la dictature.
Les Grands-Mères de la Place de Mai, en Argentine, ont annoncé jeudi avoir «retrouvé» un nouvel enfant volé sous la dictature (1976-1983) à un couple détenu en 1977 puis disparu, le 131e petit-fils à récupérer son identité et le premier depuis plus de trois ans.
«Avec bonheur, nous annonçons une nouvelle restitution d’identité», ont annoncé les «Abuelas» (grands-mères) dans un communiqué. «Comme si cette fin d’année voulait exaucer tous nos souhaits», ont-elles écrit en référence à la Coupe du monde. «Après presque trois ans, nous célébrons une fois de plus la découverte d’un petit-fils».
La présidente emblématique des Abuelas, Estela de Carlotto, a indiqué en conférence de presse que le «petit-fils N. 131» était âgé de 44 ans, et enfant d’ex-militants marxistes Lucia Nadín et Aldo Quevedo, originaires de Mendoza et détenus à Buenos Aires en octobre 1977. La jeune femme d’alors 19 ans était enceinte de près de trois mois.
Estela de Carlotto, toujours énergique à 92 ans, a estimé qu’il était vraisemblable que le petit-fils 131 soit né à l’ESMA, l’École de mécanique de la Marine, dont une aile devint le centre de détention et de torture le plus tristement célèbre de la dictature. C’est de cette ex-ESMA, devenue un musée et Espace de la Mémoire, qu’elle a annoncé la découverte du «N.131», qui était absent. Il faut généralement du temps, le temps pour un enfant retrouvé de digérer sa «vraie» identité, avant qu’il ne se présente.
«Cet homme a accepté de réaliser l’examen (ADN) et hier (mercredi), la Banque nationale de données génétiques a annoncé l’heureuse nouvelle : il est le fils de Lucía Nadin et d’Aldo Quevedo», a déclaré Estela de Carlotto, en montrant une photo du couple
Encore 300 personnes recherchées
Sous la dictature militaire, des centaines d’enfants – les estimations tournent entre 300 et près de 500 – ont été «appropriés», nés d’une mère en détention puis disparue, et donnés à un foyer qui voulait ou ne pouvait avoir d’enfant, souvent proche du régime, dans l’idée aussi de voir élever un enfant «bien-pensant» politiquement.
Au long de 45 ans de recherche, 130 cas avaient été «résolus» jusqu’à ce jeudi – c’est-à-dire que l’identité originelle de l’enfant a été restituée. Souvent donnant lieu à d’émouvantes retrouvailles, parfois aussi après la mort. Mais rien, aucune restitution, depuis celle du «numéro 130», en juin 2019.
Les restitutions s’étaient raréfiées ces dernières années, la faute en partie à la pandémie de Covid, qui a pendant de longs mois rendu les contacts et les recherches difficiles.
30’000 morts ou disparus sous la dictature
Aussi l’organisation «Abuelas», portée désormais par une jeune génération d’activistes, a relancé ces derniers mois les sessions dites «d’approche spontanée», se déplaçant en province, invitant quiconque aurait des doutes sur son identité à venir parler, en toute confidentialité, à des conseillers formés pour la circonstance. Ensuite, si les soupçons se confirment, un test ADN est proposé.
Abuelas cherche toujours environ «300 hommes et femmes, dont l’âge est d’environ 45 ans, qui vivent avec leur fausse identité, parmi nous. Nous allons continuer de travailler avec l’espoir de retrouver tous nos petits-fils et petites-filles. Ils peuvent être n’importe où dans le monde», a déclaré Estela de Carlotto. «C’est un travail de patience et d’amour».
«Nous recommençons à rêver», a-t-elle conclu en référence à la chanson fétiche des supporters argentins au Mondial, «Muchachos». Selon les estimations des ONG de défense des droits humains, quelque 30’000 personnes sont mortes ou ont disparu pendant la dictature.