Faire pleuvoir sur commande fait toujours rêver

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MétéoFaire pleuvoir sur commande fait toujours rêver

De nombreux États redoublent d’intérêt pour diverses techniques, au risque de créer des tensions géopolitiques.

Un lac temporaire à Badwater Basin, en Californie. Pas de techniques artificielles ici pour provoquer des précipitations mais une conséquence de la tempête tropicale Hilary.

Un lac temporaire à Badwater Basin, en Californie. Pas de techniques artificielles ici pour provoquer des précipitations mais une conséquence de la tempête tropicale Hilary.

Getty Images via AFP

Manipuler les nuages pour faire pleuvoir ou diminuer la grêle: sur fond de réchauffement climatique, de nombreux États redoublent d’intérêt pour ces techniques, au risque de créer des tensions géopolitiques.

En Australie, la compagnie d’électricité Snowy Hydro achève actuellement sa traditionnelle campagne d’ensemencement dans les Snowy Mountains, la chaîne de montagnes la plus haute de l’île-continent. Le but: augmenter les chutes de neige au moyen de générateurs de particules d’iodure d’argent. Snowy Hydro va ainsi alimenter les réserves d’eau pour produire davantage d’hydroélectricité, explique l’entreprise.

Que ce soit pour l’agriculture, la consommation humaine ou l’électricité, les immenses besoins en eau sont encore aggravés par le réchauffement climatique. Selon l’ONU, 2,3 milliards de personnes vivent déjà dans des États où le manque d’eau pose problème.

Un système pour la Chine d’ici 2025

Dans ces conditions, nombre de pays tentent de modifier la météo: l’Inde, la Thaïlande, les États-Unis, mais aussi la Chine. En 2020, Pékin a publié une circulaire détaillant sa stratégie: selon ce document, la Chine disposera d’un système développé de modification de la météo d’ici 2025.

Les Émirats arabes unis mettent aussi les bouchées doubles. Le centre national de météorologie a ainsi lancé il y a quelques années un programme de recherche d’amélioration de la pluie, doté de subventions de 1,5 million de dollars pour chaque projet de recherche retenu.

Des tentatives depuis 1940

Depuis les incantations aux nymphes de la pluie de l’Antiquité, les espoirs de faire pleuvoir à la demande ne se sont jamais taris. Dès la fin des années 1940, les États-Unis ont lancé des tentatives, y compris à des fins militaires: durant la guerre du Vietnam, l’«opération Popeye» lancée par l’armée américaine consiste à ensemencer des nuages pour tenter de ralentir les troupes de Ho Chi Minh. L’efficacité de la manœuvre reste sujette à débat.

Depuis, les techniques ont relativement peu fluctué, même si des recherches sont en cours. Elles consistent globalement à disperser des particules – iodure d’argent, sel hygroscopique… – dans les nuages, soit par avion, soit par des générateurs ou des fusées depuis le sol. Les mini-particules introduites dans le nuage vont alors en modifier la structure et potentiellement déclencher des précipitations.

Efficacité difficile à évaluer

Mais l’ensemencement présente des écueils. Notamment car il est difficile d’évaluer l’efficacité réelle des techniques. En France, l’association nationale d’étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques (Anelfa), créée au tournant des années 1950, pratique cette technique pour tenter de diminuer la grêle endommageant les cultures agricoles. «L’efficacité reste difficile à évaluer car il y a une grande variabilité de ce phénomène naturel», reconnaît Claude Berthet, sa directrice.

«Mais nos relevés montrent une corrélation entre les zones qui ont reçu de l’iodure d’argent et celles qui ont reçu le moins de grêle». Snowy Hydro parle de son côté de 14% de neige en plus dans les Snowy Mountains lors des campagnes d’ensemencement.

Pénuries d’eau, nouvelles tensions

Ce n’est qu’un aspect du problème. «L’idée principale dans le cadre du changement climatique, c’est que nous allons vers une raréfaction des ressources en eau, ce qui va produire de plus en plus de conflits sur ces ressources», avertit Marine de Guglielmo Weber, chercheuse à l’Institut de relations internationales et stratégiques, qui a consacré sa thèse au sujet.

Dans ce cadre, «les techniques présentées comme pouvant forcer un nuage à précipiter alors qu’il aurait normalement pris plusieurs heures pour le faire vont devenir de plus en plus propices au conflit». En 2018, un haut cadre iranien a par exemple accusé Israël d’avoir volé les nuages iraniens.

Pour qui, les nuages?

Or, déplore l’écrivain et ancien avocat Mathieu Simonet, qui vient de publier un récit sur le sujet, il n’existe pas de droit international des nuages. «Les nuages correspondent à un bien commun, donc il faut des règles communes pour le partager», plaide-t-il.

«Surtout, il faut que ces règles communes ne soient pas déterminées par l’endroit géographique où l’on se trouve: les nuages circulent partout. De la même manière, il ne faut pas que ce soit déterminé par les capacités et la richesse techniques de tel ou tel pays.»

En attendant, l’auteur écume la France pour militer pour la reconnaissance d’une journée internationale des nuages.

(AFP)

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