FootballSLO-Sion: il y a des soirs comme ça...
Le Stade Lausanne Ouchy est donc monté en Super League aux dépens du FC Sion, au bout d'une soirée pas comme les autres, qui fleurait bon l'amateurisme du football vrai.
- par
- Robin Carrel La Pontaise
«On reste là en attendant de voir les Valaisans passer?» Quelques heures avant le barrage retour entre le Stade Lausanne Ouchy et Sion, une joyeuse bande de vétérans de l'apéro refait le monde du football suisse sur une terrasse proche de la Pontaise. Tous les sujets y passent et, à quelques tables de là, on n'est pas loin de penser que ces théories de bistrot sont quand même bien plus drôles que les débats polarisés des réseaux sociaux.
«C'est quand même pas sympa ce que l'ASF ils font à Yverdon. Les Romands, touchours rigole... Mais là, avec quatre clubs welches en Ligue A, eux ils rigolent encore moins! T'en bois une? Non, une eau minérale. Pas un verre de blanc? Ah ben d'accord alors, mais une Arkina avec, s'il vous plaît. Pis pas du Valaisan, hein! Le match de ce soir? Non, j'y vais pas, mais je l'enregistre! C'est sur quelle chaîne déjà?» Le ton est donné d’une soirée qui sera en tous points exceptionnelle.
Le public vaudois aime deux choses dans la vie: les grands événements et râler. Autant dire que mardi soir, il a été servi. La vénérable enceinte des Plaines du Loup a accueilli plus de 10'000 personnes et, forcément, pour une équipe qui avait reçu 680 spectateurs il y a un mois et demi contre Thoune ou encore 312 à la mi-mars contre Vaduz, tout ne pouvait pas bien se passer. La Tribune Nord a vite vu les gens s'y agglutiner et les virages ont finalement servi de déversoir, même si pas grand monde n'a compris comment y aller ou par où y entrer.
Les escaliers et les murets ont fait office de sièges, dans une joyeuse désorganisation. Des gens, souvent entrés après le coup d'envoi, erraient autour du stade et dans les coursives en quête d'un endroit où se poser. Certains ont retrouvé un vieux maillot du SLO dans leurs archives, mais ne nous mentons pas, les trois quarts des Valdo-Lausannois présents étaient bien davantage là pour voir Sion descendre que fêter la montée du SLO. Pour un chant à la gloire des Lausannois, combien de «Mais ils sont où les Valaisans», en toute fin de partie?
Beaucoup de gens râlaient donc, mais ça, c'était avant qu'ils tentent d'aller boire une bière ou en quête de la saucisse réglementaire. Les files d'attente étaient interminables et il y avait quelque chose de cocasse à voir Philippe Guggisberg, le chef de la communication de la Swiss Football League, abandonner devant un bar qu'il n'atteindra jamais et se demander un poil où il est tombé...
«Si on veut juste une frite et pas une saucisse, on peut l'avoir quand même?», questionne alors un fan agacé qui, comme beaucoup, a sacrifié une bonne demi-heure de jeu pour tenter de se sustenter. Quand il a faim ou soif, l’être humain retrouve vite son instinct primaire. Mais mardi, les gens ont vite compris que s'énerver contre des bistrotiers qui subissaient les événements n'avait pas de sens et l'entraide a pris le dessus. «T'arrives à prendre 14 bières, s'il te plaît?», s’est marré un spectateur assoiffé à une connaissance qui avait réussi le petit exploit d'atteindre le zinc.
Sur le pré, le Stade Lausanne Ouchy a encore montré sa supériorité, même si quelques pieds ont logiquement tremblé. La victoire a été entérinée sur un solo éblouissant de Teddy Okou et le speaker a eu beau répéter qu'il ne fallait pas envahir le terrain, c'est ce qui se fait toujours dans ce genre de cas et c’est normal. C'est sans doute à ce moment là que le public a le plus réagi: quand un sécu, totalement dépassé et certainement en mal de sensations fortes, a décidé de se transmuter en boxeur.
L'ambiance était pourtant bon enfant et la grande majorité des jeunes partis sur le terrain y allaient de la story qui va bien en brandissant le smartphone dans le ciel. Pendant ce temps-là, les fans valaisans ont déstocké tout ce qu'ils avaient encore comme torches et quatre hurluberlus ont franchi une barrière pour aller se battre avec on ne sait qui. Quand ils ont compris que ce n'était pas une bonne idée, ils sont repartis la queue entre les jambes et heureusement, car le comportement des Sédunois, logiquement très en colère, a été digne.
La fête était belle sur le pré et les larmes des Stadistes traduisaient assez bien le choc qui venait de s’emparer d’un club qui sort un peu de nulle part et qui a vécu tant de drames qu’on ne peut pas s’empêcher de se dire qu’il y a une petit justice, des fois, dans le jeu de ballon. Cette joie, qui s’est prolongée longtemps dans la nuit, tranchait fatalement avec les larmes des vrais amoureux du FC Sion, comme les larmes touchantes de ce soigneur, rapidement reparti au vestiaire après le coup de sifflet final.
Car la Schadenfreude des nombreux Lausannois venus principalement pour voir le «FC CC» couler ne doit pas faire oublier que la relégation valaisanne n’est une bonne nouvelle pour personne.