La «Fête des célibataires» chinoise en mode profil bas

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D’ordinaire frénétiqueLa «Fête des célibataires» chinoise en mode profil bas

Avec le tour de vis réglementaire dans le secteur du numérique, les mastodontes du commerce en ligne organisent ce 11 novembre un «Single Day» tout en discrétion.

L’année dernière, un écran géant affichait les ventes d’Alibaba, atteignant 498,2 milliards de yuans (74,10 milliards de dollars), au cours de la journée des célibataires.

L’année dernière, un écran géant affichait les ventes d’Alibaba, atteignant 498,2 milliards de yuans (74,10 milliards de dollars), au cours de la journée des célibataires.

Xinhua via AFP

Les géants chinois du e-commerce, Alibaba en tête, ont organisé jeudi une «Fête des célibataires» plus discrète qu’à l’accoutumée. Au fait, pourquoi jeudi est la fête des célibataires? Car les quatre «1» qui composent la date 11/11 sont autant de symboles du célibat. Mais c’est surtout une fête commerciale, équivalente au «Black Friday» nord-américain, caractérisée par des soldes massives et une frénésie consumériste. Mais cette année l’opération se déroule sur fond de tour de vis réglementaire contre le secteur.

C’est devenu le plus grand événement de promotion en ligne organisé dans le monde.

C’est devenu le plus grand événement de promotion en ligne organisé dans le monde.

Capture d’écran d’une publicité pour le «Single day» sur le site d’Interdiscount en Suisse.

Ces soldes sont d’ordinaire accompagnées d’une intense campagne médiatique de la part d’Alibaba, avec écran géant montrant en temps réel l’évolution du montant des transactions – qui atteignent généralement plusieurs dizaines de milliards d’euros. Mais jeudi à la mi-journée, pas de fanfaronnade, de décompte en direct ou de commentaires triomphants des principaux acteurs comme Alibaba ou son rival JD.com. Les médias officiels étaient quasi-muets, alors que l’événement est généralement en Une.

Des signes que la campagne gouvernementale visant les grandes entreprises technologiques fait son effet. Lancée par Alibaba il y a une décennie, l’opération se déroulait jadis sur une seule journée. Mais les plateformes la font désormais débuter le 1er novembre et proposent même des préventes dès mi-octobre, diluant le montant des achats sur plusieurs semaines.

Des milliards de francs

Reste que l’événement, qui éclipse en volume de ventes le «Black Friday» américain, constitue un indicateur toujours très surveillé de la consommation dans la deuxième économie mondiale. Alibaba et JD.com avaient enregistré l’an passé des ventes pour un montant total de près de 105 milliards de francs. Mais les deux plateformes faisaient profil bas jeudi. Un porte-parole d’Alibaba a indiqué que l’entreprise annoncerait uniquement le chiffre total une fois la journée de soldes terminée.

Les régulateurs chinois ayant lancé ces derniers mois une campagne visant notamment à mettre fin aux abus en matière de collecte de données personnelles ou de pratiques monopolistiques. Un tour de vis qui semble également motivé par les inquiétudes des autorités face à un secteur technologique devenu très puissant, brassant des dizaines de milliards d’euros et jusqu’ici peu régulé. Cette campagne réglementaire a ébranlé Alibaba, JD.com ou encore le géant des jeux vidéo Tencent, leur faisant perdre des milliards d’euros de valeur boursière.

Les experts s’accordent toutefois à dire que l’objectif du Parti communiste est principalement d’assainir les pratiques du secteur et non d’entraver durablement le développement du commerce en ligne. Ce dernier reste en effet crucial dans le cadre de la politique gouvernementale visant à davantage axer l’économie nationale sur la consommation intérieure et moins sur l’industrie manufacturière et les exportations.

Directives spéciales

Alibaba se fait discret depuis l’an passé et des critiques de son fondateur Jack Ma à l’égard des régulateurs chinois qu’il accusait d’entraver le développement de son entreprise. Les autorités avaient notamment imposé l’arrêt d’une gigantesque introduction en Bourse (35 milliards de francs), d’Ant Group, le bras financier d’Alibaba, sur fond d’inquiétude quant aux risques systémiques qu’une telle opération ferait peser sur le système financier chinois. Alibaba s’était ensuite vu infliger une amende de 2,3 milliards d’euros pour abus de position dominante.

D’autres acteurs du e-commerce ont été sanctionnés ou rappelés à l’ordre pour leurs pratiques commerciales, comme l’interdiction faite aux commerçants de vendre leurs produits sur des plateformes concurrentes ou l’utilisation d’algorithmes pour bombarder les consommateurs de recommandations d’achats.

Le week-end dernier, le gouvernement a publié des directives spéciales pour la «Fête des célibataires», rappelant aux géants du commerce en ligne qu’il était strictement interdit de manipuler les prix de vente ou encore de vendre des produits contrefaits. De fait, les médias chinois font état d’activités promotionnelles bien plus modestes cette année.

«Même si l’excitation demeure, l’odeur de la poudre à canon entre les géants du commerce en ligne est sensiblement moins forte», a récemment résumé dans un article le site d’actualités financières Jiemian.com.

(AFP)

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