Coup de théâtreL’Amérindienne qui a refusé l’Oscar pour Brando a menti sur ses origines
Celle qui se faisait appeler Sacheen Littlefeather et qui est décédée il y a peu n’avait aucun sang autochtone américain, révèle sa famille. Elle s’est inventé une vie.
- par
- Michel Pralong
La scène avait fait scandale à l’époque. Lors des Oscars 1973, alors que Marlon Brando est annoncé meilleur acteur pour son rôle dans «Le parrain», c’est une jeune femme habillée en costume traditionnel des Amérindiens qui monte sur scène. Sacheen Littlefeather avait expliqué que Brando refusait la statuette vu le traitement réservé aux peuples autochtones américains au cinéma. Elle avait été huée.
En 2022, les Oscars ont présenté leurs excuses auprès d’elle puis organisé une cérémonie en son honneur. Début octobre, on apprenait la mort de la militante, qui avait également affirmé avoir participé en 1969 à l’occupation de l’île d’Alcatraz au large de San Francisco par des Amérindiens, qui la réclamaient.
Elle était d’origine mexicaine
Samedi 22 octobre, le «San Francisco Chronicle» a lâché une bombe. Sacheen Littlefeather s’est inventé un passé, elle n’a aucune racine parmi les peuples autochtones américains. Ses origines sont mexicaines, son vrai nom étant d’ailleurs Marie Louise Cruz. Ce sont ses propres sœurs qui l’ont raconté à une journaliste du quotidien. «C’est une fraude, a reconnu l’une d’elles. C’est dégoûtant pour l’héritage des peuples tribaux. Et c’est juste insultant pour mes parents».
Car celle qui disait avoir reçu le nom tribal de Sacheen avait raconté qu’elle avait connu une enfance pauvre, dans une cabane sans toilettes, avec un père alcoolique et violent, que ses parents étaient des malades mentaux et qu’elle en avait été séparée pour être élevée par ses grands-parents. Faux rétorquent les sœurs: elles vivaient dans une maison, avec toilette, les grands-parents vivaient dans la maison voisine, donc n’ont pas élevé Sacheen mais la voyaient souvent, et surtout, les parents n’étaient ni alcooliques, ni déments. En revanche, le grand-père paternel était alcoolique et violent et c’est son fils qui a été placé en famille d’accueil. «Elle s’est approprié ce qui lui est arrivé», explique une sœur.
La journaliste du «San Francisco Chronicle», qui enquêtait justement sur des personnes qui se prétendaient faussement d’origine autochtone par intérêt, est remontée très loin dans l’arbre généalogique de Marie Louise Cruz. Et n’y a trouvé aucun indice de sang amérindien. Pas même un ancêtre qui aurait vécu proche des Apaches ou des Yaquis, deux tribus dont Sacheen se revendiquait.
Elle n’était pas à Alcatraz
Elle s’est inventé un passé, des racines, mais aussi une vie, puisqu’il semble également qu’elle n’a jamais participé à l’occupation d’Alcatraz. Celle qui fut l’une des dirigeantes du mouvement et qui a vécu 18 mois sur l’île ne dit jamais l’avoir vue avant les Oscars. Puis la même année dans «Playboy»: «Nous savions qu’aucun autochtone ne ferait cela. Surtout dans les années 70… La dernière chose que nous, les femmes autochtones, voulions que l’on pense de nous, c’était comme objets sexuels», explique LaNada Warjack, une Shoshone.
Pour les sœurs, si Sacheen s’est inventé une vie d’Amérindienne, c’est pour tenter de percer dans l’industrie cinématographique. Elles ont déclaré que l’accumulation des mensonges racontés au fil des ans était difficile à supporter. Mais elles ne se sont pas exprimées publiquement, pensant que la renommée de leur sœur finirait par se dissiper. Si elles le font aujourd’hui, c’est parce qu’elles trouvent troublant qu’on la considère maintenant comme une sainte, l’histoire des Oscars ayant ressurgi 50 ans après.
Les sœurs ont appris la mort de Sacheen, à 75 ans, par les médias et elles n’ont pas été invitées aux funérailles. Quand on leur demande si leur sœur a eu raison de se créer ce personnage, elles répondent: «Sacheen ne s’aimait pas. Elle n’aimait pas être mexicaine. Donc, oui, c’était mieux pour elle de jouer quelqu’un d’autre. Notre sœur a créé un fantasme, elle a vécu dans un fantasme et elle est morte dans un fantasme.»