AfriqueEn Guinée, la junte accepte d’avancer le retour des civils au pouvoir
Face aux menaces de sanctions imminentes de la Cédéao, la junte au pouvoir en Guinée a accepté de rendre le pouvoir aux civils d’ici deux ans.
- par
- Fabien Le Floch
La junte au pouvoir en Guinée a accepté de rendre le pouvoir aux civils au bout de deux ans, renonçant sous la menace de sanctions imminentes à diriger le pays pendant trois années, a indiqué son chef Mamady Doumbouya et un document de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
«Dans un compromis dynamique, les experts de la Cédéao et de la Guinée ont conjointement développé un chronogramme (calendrier) consolidé de la transition étalé sur 24 mois», dit ce document transmis vendredi à un correspondant de l’AFP et publié sur les réseaux sociaux par la junte.
Mamady Doumbouya a ensuite précisé que ce calendrier prend effet à compter du 1er janvier 2023, au cours de la cérémonie de clôture de la mission technique de la Cédéao dépêchée à Conakry cette semaine, retransmise sur la télévision nationale RTG.
Le calendrier devrait être présenté au prochain sommet de la Cédéao «pour son approbation afin de déclencher sa mise en œuvre», dit le document de l’organisation régionale. Un sommet ordinaire de la Cédéao est programmé avant la fin de l’année.
Délai inacceptable
Le colonel Mamady Doumbouya a pris le pouvoir par la force le 5 septembre 2021 en renversant avec ses hommes le président civil Alpha Condé. Il s’est fait investir président depuis. Il s’est engagé à céder la place à des civils après des élections. La junte avait jusqu’alors affirmé son intention de gouverner pendant trois ans, le temps pour elle d’organiser des élections crédibles et de mener à bien d’importantes réformes nécessaires à ce qu’elle appelle une «refondation» de l’État guinéen.
La Cédéao a dit un tel délai inacceptable. Le 22 septembre, les dirigeants des États membres réunis en sommet à New York sans la Guinée avaient donné un mois aux autorités pour présenter un calendrier «raisonnable et acceptable», faute de quoi des «sanctions plus sévères» que celles déjà imposées seraient appliquées.
Les ponts n’ont cependant jamais été rompus et les autorités guinéennes ont répété être prêtes à coopérer avec la Cédéao qui a dépêché cette semaine une mission à Conakry pour élaborer un échéancier de compromis. Le premier ministre guinéen Bernard Goumou avait déclaré jeudi que les autorités n’étaient «pas figées» sur les trois ans.
À l’image du Mali
Différents responsables ouest-africains avaient signalé qu’une période de deux ans serait acceptable. C’est sur une durée similaire que la Cédéao et la junte au pouvoir dans un pays voisin, le Mali, avaient fini par s’entendre après des mois de bras de fer et de sévères mesures de rétorsion régionales. Aux termes d’un accord conclu en juillet, les militaires maliens sont censés partir en mars 2024. Ils seraient alors restés en fait plus de trois ans et demi puisqu’ils ont renversé le président civil élu en août 2020.
Depuis plus de deux ans, la Cédéao a vu se succéder les coups de force militaires en Afrique de l’Ouest, à deux reprises en 2020 et 2021 au Mali, en 2021 en Guinée et à deux reprises en 2022 au Burkina Faso. Elle multiplie les sommets, les missions et les pressions pour abréger les périodes dites de transition et endiguer la contagion, mais est confrontée à des autorités qui n’entendent pas lâcher les commandes de sitôt.
La Cédéao a suspendu la Guinée de ses instances. Le 22 septembre, elle a suspendu toute assistance et transaction financière avec la Guinée et annoncé contre un certain nombre de personnalités le gel de leurs avoirs financiers et une interdiction de voyager dans l’espace Cédéao.
Morts civils
Le compromis trouvé à Conakry l’a été dans un climat de confrontation entre la junte et l’opposition. Au moins quatre civils ont été tués jeudi et vendredi lors de manifestations contre la junte à l’appel d’un collectif citoyen qui réclame un retour rapide des civils au pouvoir et la libération de tous les prisonniers détenus selon lui pour des raisons politiques.
L’opposition accuse la junte de confisquer le pouvoir et de faire taire toute voix discordante à coups d’arrestations de leaders politiques ou de la société civile, et d’enquêtes judiciaires. Les grands partis refusent le dialogue avec la junte sur le contenu de la période dite de transition dans les conditions fixées par les autorités. Ils demandent que le dialogue ait lieu sous arbitrage de la Cédéao.
Le rapport de la mission de la Cédéao affirme la volonté de cette dernière d’associer toutes les parties pour une «mise en œuvre inclusive du chronogramme de la transition».