Drame50 ans du crash des Andes où les rescapés ont dû manger les morts
C’est le 13 octobre 1972 qu’un avion transportant une équipe de rugby s’est écrasé. Abandonnés de tous, les survivants ont dû se résoudre au pire.
Dans la soirée du 13 octobre 1972, un avion militaire affrété pour amener à Santiago du Chili une équipe de rugby universitaire de Montevideo, avec leurs dirigeants et quelques supporters, disparaît des radars. Ce n’est que 72 jours plus tard qu’on saura que le pilote de l’appareil, pris dans le brouillard et des trous d’air, est parvenu à se poser en catastrophe sur une plateforme neigeuse à 3500 mètres d’altitude. Sur les 45 passagers à bord, dont la plupart n’avaient pas encore 20 ans, une dizaine meurt dans le choc, tandis que d’autres vont succomber dans les jours suivants.
«Cette nuit-là, j’ai vécu l’enfer», se remémore auprès de l’AFP Roy Harley, un ingénieur à la retraite aujourd’hui âgé de 70 ans, l’un des seize survivants de ce crash survenu il y a 50 ans dans la cordillère des Andes, en racontant la peur, le froid mordant et les gémissements des blessés. «À mes pieds, il y avait un garçon à qui il manquait une partie du visage et… qui s’étouffait dans son sang. Je n’ai pas eu le courage de lui tendre la main, de lui tenir la main, de le réconforter. J’avais peur. J’avais très peur», se souvient-il. Au petit matin, quatre autres personnes étaient mortes.
Ils apprennent la fin des recherches
«Nous avions tellement froid, c’était tellement dur», se souvient également Carlos Paez, un ancien de l’équipe de rugby uruguayenne. L’homme de 69 ans assure avoir cru à plusieurs reprises que son dernier jour était arrivé.
Mais ce qui a été peut-être encore plus difficile à accepter par les naufragés c’est d’entendre, au dixième jour à la radio, que les recherches avaient été interrompues. «L’une des choses les plus douloureuses a été de réaliser que le monde continuait sans nous», raconte Carlos Paez, depuis conférencier à travers le monde, spécialiste de la motivation.
Vote pour manger leurs camarades
Cela leur a néanmoins permis de réaliser qu’ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes pour se sauver. Et qu’ils devraient être patients. Avant que deux d’entre eux trouvent la force de marcher pendant dix jours dans le froid et la neige pour donner l’alerte, les rescapés ont cherché à d’abord survivre et ont fini par se résoudre à manger la chair gelée de leurs camarades morts.
Une majorité d’entre nous a voté «oui», raconte Roy Harley, expliquant qu’avant cette extrémité ils avaient essayé d’ingurgiter tout ce qui aurait pu les nourrir: semelles de chaussures en cuir, cigarettes ou encore dentifrice. «Nous étions en train de mourir. Quand vous avez le choix de mourir ou de se servir de la seule chose qui reste… nous avons fait ce que nous avons fait pour vivre», explique le septuagénaire.
Une avalanche fait de nouvelles victimes
Ils n’étaient pas là au bout de leur peine et ont dû affronter un autre épisode dramatique lorsqu’une avalanche a enseveli pendant leur sommeil le fuselage de l’avion qui leur servait d’abri. Huit d’entre eux en sont morts. Des 32 qui avaient survécu au crash, ils n’étaient désormais plus que 19 survivants. Trois autres mourront dans les jours suivants.
«L’avalanche a été comme si Dieu nous avait poignardés dans le dos», raconte Carlos Paez, qui avec les autres rescapés a dû faire preuve d’une incroyable ténacité pour survivre, se servant des débris de l’avion pour confectionner bonnets, mitaines, raquettes, édredons et même lunettes noires contre la cécité des neiges.
Et puis l’aide est finalement arrivée grâce aux deux membres du groupe, Roberto Canessa et Fernando Parrado, partis chercher des secours guidés par leur seul instinct. Au bout de leurs forces, ils ont atteint une rivière et rencontré un homme à cheval qui a donné l’alerte. C’est le 21 décembre 1972, plus de deux mois après le crash.
Ils ont perdu des dizaines de kilos
Au moment de prendre l’avion à destination du Chili, Roy Harley pesait 84 kg. Lorsqu’il a été secouru, il n’en pesait plus que 37. En moyenne, les survivants ont perdu 29 kilos, selon les archives du musée privé de Montevideo qui rend hommage aux 29 disparus et aux 16 survivants du «Miracle des Andes».
C’est «une histoire extraordinaire qui met en scène des gens ordinaires», assure modestement Carlos Paez. «À la fin, la vie a triomphé», dit-il philosophe. Elle a été adaptée dans le film à succès «Les survivants», sorti en 1993.