Soudan du SudÀ Juba, le pape appelle à rendre une «dignité» aux déplacés
Au deuxième jour de sa visite dans le plus jeune Etat du monde, le souverain pontife a plaidé avec force pour une «reprise sérieuse du processus de paix».
Le pape François a lancé samedi à Juba un ardent cri d’alarme aux dirigeants du Soudan du Sud pour rendre une «dignité» aux déplacés, renouvelant son appel à la paix dans un pays déchiré par les luttes de pouvoir.
«On ne peut plus attendre»
«Je renouvelle de toutes mes forces l’appel le plus pressant (...) à reprendre sérieusement le processus de paix afin que les violences prennent fin et que les gens puissent retrouver une vie digne», a déclaré François lors d’une rencontre avec des déplacés internes, au deuxième jour de sa visite. «Mais on ne peut plus attendre: un grand nombre d’enfants nés ces dernières années n’ont connu que la réalité des camps de personnes déplacées, oubliant l’air du pays, perdant le lien avec leur terre d’origine, leurs racines, leurs traditions», a-t-il insisté devant 2500 personnes. Le chef de l’Eglise catholique a notamment «supplié» les habitants de «protéger, respecter et valoriser» les femmes. Les violences sexuelles sur les femmes et les jeunes filles sont «généralisées et systématiques» dans le pays, selon un rapport publié en 2022 par la Commission sur les droits de l’Homme, mandatée par l’ONU.
Le pape argentin a entamé vendredi un «pèlerinage de paix» très attendu dans le plus jeune Etat du monde, où sévissent la famine, la misère et les inondations. De 2013 à 2018, ce pays de 12 millions d’habitants, dont 60% de chrétiens, a été en proie à une guerre civile sanglante entre les partisans des deux leaders ennemis Salva Kiir et Riek Machar, qui a fait 380’000 morts. Malgré un accord de paix signé en 2018, les violences perdurent et le pays comptait en décembre 2,2 millions de déplacés internes, selon les derniers chiffres publiés par l’organisme onusien OCHA.
«Tragédie humanitaire»
«Malheureusement, dans ce pays martyrisé, être déplacé ou réfugié est devenu une expérience habituelle et collective», s’est désolé François, après avoir entendu les témoignages de trois jeunes qui ont raconté la difficulté de la vie dans les camps. «Je suis avec vous, je souffre pour vous et avec vous», a-t-il affirmé, mettant en garde contre «l’aggravation» de cette «tragédie humanitaire».
Samedi matin, le souverain pontife s’est exprimé devant la communauté catholique à la cathédrale Sainte-Thérèse, en présence de 5000 fidèles selon les autorités, qui l’ont accueilli avec des chants et des youyous dans une ambiance festive. «Tout est question de paix. Le pape François n’arrive même pas à marcher, mais il vient quand même ici pour encourager nos dirigeants», a déclaré à l’AFP John Makuei, 24 ans.
François participera en fin d’après-midi à une prière oecuménique aux côtés des chefs des Eglises d’Angleterre et d’Ecosse, représentants des deux autres confessions chrétiennes, au Mausolée John Garang où la foule attendait déjà en milieu de journée, sous un soleil de plomb.
«Nouveau sursaut»
Vendredi, le pape avait déjà exhorté la classe politique à un «nouveau sursaut» pour la paix et fustigé le fléau de la corruption. «Assez de destructions! (...) Les générations futures honoreront ou effaceront la mémoire de vos noms en fonction de ce que vous faites maintenant», avait averti le pape de 86 ans.
L’ONU et la communauté internationale accusent régulièrement les dirigeants sud-soudanais de maintenir un statu quo, d’attiser les violences, de réprimer les libertés politiques et de détourner les fonds publics. Initialement prévue à l’été 2022 puis reportée, cette visite est la 40e du pape argentin à l’étranger depuis son élection en 2013 et la troisième en Afrique subsaharienne.